Mon savon 50% Karité (et sans huile de palme)
Publié le 24 Octobre 2015
Il y a quelques temps, alors que je me demandais comment j’allais bien remplacer mon savon « surgras peau sensible anti-eczéma » (impossible à trouver à Tamba évidemment), je me suis intéressée à la fabrication de savon maison. Après quelques recherches sur Internet, je me rendis compte que ce n’était pas si compliqué que ça, et qu’en plus, j’avais la chance d’avoir accès à un produit merveilleux à un prix dérisoire, qui rendrait jalouse n’importe quelle savonnière : le beurre de Karité.
Ni une ni deux, je commandai deux petits livres pour apprendre les bases de la saponification à froid, et je fis le tour du marché de Tamba pour voir les ingrédients que je pourrais utiliser. Huile d’arachide, huile de palme (eh oui, au Sénégal, l’huile de palme est omniprésente), huile de coco (fait maison) et bien sûr le beurre de Karité. Allez, je vous l’avoue, ici on trouve du beurre de Karité sénégalais ou malien à 2000F/kg (3€/kg), pour une qualité plus ou moins correcte, et du beurre de Karité burkinabé de très bonne qualité à 2500F/kg (3,8€/kg). Alors pourquoi s’en priver !
Deux petits livres que je recommande chaudement : pas cher, complets et complémentaires. Pleins d'idées de recettes, que l'on peut adapter à sa sauce lorsque l'on a compris comment calculer les proportions d'huile et de soude.
Après plusieurs mois d’essais de recettes en tout genre, je vous présente donc un petit savon tout simple mais qui me plait beaucoup, et qui a en plus l’avantage d’être fait sans huile de palme. L’huile de palme est pourtant une très bonne huile pour la fabrication de savon, car elle lui confère une bonne dureté et une belle mousse, mais si on peut s’en passer c’est aussi bien ! Puisqu'il s’agit de mon premier article sur la saponification à froid, je vais ici détailler toutes les étapes de la fabrication et vous donner quelques définitions de base :
La saponification à froid, qu’est-ce que c’est ?
Tout d’abord, on appelle saponification la réaction chimique qui transforme un corps gras (ester) en un savon (ion carboxylate) en milieu basique (donc en présence de soude ou de potasse). La saponification à froid est une méthode qui n’utilise pas de cuisson, mais seulement la chaleur produite naturellement par la réaction chimique. C’est une méthode simple, peu coûteuse, à faible impact environnemental et qui préserve les qualités des huiles utilisées. Elle est rendue possible par le pesage très précis de tous les ingrédients, de telle sorte que la soude ne soit pas en excès.
Et le surgraissage, qu’est-ce que c’est ?
Lorsque la quantité de soude n’est pas suffisante pour transformer tous les corps gras, il reste donc logiquement des huiles non transformées dans la pâte finale : le savon est dit « surgras » car il contient encore de l’huile qui aura la propriété d’hydrater la peau. On s’assure ainsi que toute la soude a bien réagi et que le savon ne sera pas corrosif. Il est donc commun, en saponification à froid, de réduire la quantité de soude de 5 à 10%. On peut également choisir de rajouter une huile ou un beurre après le mélange, ce qui permet de choisir les corps gras que l’on souhaite garder intact pour leurs propriétés nourrissantes.
Le matériel utilisé est très simple et se trouve surement déjà dans votre cuisine :
- Un jeu de bols en inox de tailles différentes, au moins 3 ;
- Une casserole ou bain-marie (non obligatoire si vous habitez comme moi sous les tropiques, le soleil est bien suffisant) ;
- Une balance de précision au gramme près (très important pour maîtriser le surgraissage du savon) ;
- Un fouet, une maryse, des cuillers à soupe et autres dosettes ;
- Un mixeur électrique pour faciliter le mélange dans certains cas (ce qui prend 1h au fouet peut être réduit à 5 min de mixeur...) ;
- Un thermomètre de cuisine, ou deux si vous ne voulez pas vous amuser à changer le thermomètre de bol toutes les 5 min ;
- Moule (en bois, en silicone, en carton... selon ce que vous avez sous la main) et du papier sulfurisé si vous n'utilisez pas de moule en silicone ;
- Serviettes ou film alimentaire ;
- Une boîte à onglet et une spatule pour découper, une lyre ou un simple couteau ;
- Du matériel de protection : tablier, gants, lunettes, masque, maniques...
Ne négligez pas votre protection, la soude est très toxique et dangereuse à manipuler !
Vue d'ensemble du matériel de savonnerie... ou comment recycler tout son matériel de pâtisserie quand on est devenue crudivore ;-)
Savon 50% Karité (sans palme)
* * *
50% de beurre de Karité
30% d'huile d'arachide
20% d’huile de coco
Soude en paillette (surgraissage à 7%)
au (35% des huiles)
Dureté : 139,5
Personnellement, je prépare toujours 800g d'huiles totales, ce qui me permet de remplir mes deux moules en silicone achetés sur Aroma-Zone.
1 - Pesez l'eau et la soude au gramme près, dans deux petits bols séparés. ATTENTION en manipulant les paillettes de soude, utilisez les gants car la soude est très corrosive !
2 - Placez-vous à l'extérieur, mettez vos lunettes et votre masque, puis versez doucement la soude sur l'eau.
3 - Remuez doucement jusqu'à ce que la solution deviennent limpide. ATTENTION : la réaction produit de la chaleur (90°C!) et des vapeurs nocives ! Ne respirez pas au dessus du bol ! Laissez le mélange dans un endroit aéré et laissez-le refroidir.
5 - Faites chauffer les huiles au bain-marie (ou au soleil) afin de faire fondre le beurre de karité.
6 - Laissez refroidir gentiment les deux mélanges jusqu'à ce qu'ils soient tous les deux à une même température, idéalement entre 29° et 32°C. J'avoue que dans mon cas, je fais le mélange vers 35°C (ma température ambiante en ce moment !). L'important est que la soude et les huiles soient exactement à la même température. Si vous n'avez pas de thermomètre et que vous habitez dans un pays chaud : préparez la soude et les huiles le matin et attendez l'après-midi pour faire votre mélange, les deux bols seront alors à température ambiante !
7 - A la bonne température, versez la solution de soude sur les huiles tout en remuant doucement au fouet (faites un mouvement en 8).
8 - Fouettez ensuite vigoureusement (mais sans en faire gicler partout n'est-ce pas) jusqu'à ce que la pâte s'épaississe, et prenne l'aspect d'une crème pâtissière. On arrête de mélangez lorsque le liquide qui coule du fouet laisse des traces en surface : on appelle ce moment "la trace". ATTENTION : avec cette recette, la trace arrive très vite : remuez bien et versez rapidement dans les moules avant que la pâte ne soit trop compacte.
9 - Une fois la trace obtenue, versez immédiatement la pâte dans les moules. Vous pouvez vous amuser à faire de petits effets de relief à la surface, cela donnera un petit cachet à vos savons une fois découpés !
10 - Couvrez votre préparation et placez-la dans un endroit protégés. Moi je place une assiette sur le moule et place le tout au four (éteint bien sûr).
11 - 24h plus tard, démoulez votre savon, en faisant attention de ne pas trop l'abîmer car il est encore tendre. Manipulez-le avec des gants car la soude n'a pas encore entièrement réagi !
12 - Découpez le pain de savon en tranche de l'épaisseur de votre choix. Moi je le découpe en tranche de 2cm d'épaisseur, ce qui me donne 6 savons de 90g.
13 - Placez les savons bien rangés et légèrement espacés, dans un endroit protégé mais aéré pour le séchage.
14 - La cure (séchage) dure 4 semaines, pendant laquelle le savon poursuit sa réaction de saponification. N'essayez pas de l'utiliser avant, il serait encore trop basique et donc irritant pour la peau ! Patience...
Le résultat :
Pour l'avoir utilisé à plusieurs reprise, je trouve ce savon parfait : il démarre bien, mousse correctement et laisse sur la peau une sorte de crème très agréable. S'il sent un peu l'arachide pendant le séchage, à la fin de la cure l'odeur a complètement disparu et il ne reste qu'une odeur douce de savon au karité (indéfinissable mais pas désagréable du tout). Il est dur et ce conserve très bien : il a juste un peu suinté en fin d'hivernage (très humide cette année). Je pense donc que j'ai garderai cette recette de base pour un savon sans palme.
Voici également l'avis d'un de mes parrains, Jean-Marie, qui a bien voulut se prêter au jeu et tester mon savon :
Il est très agréable je n'ai eu ni bouton ni rougeur. De plus il reste sec et ne se transforme pas en objet gras et fuyant quand tu poses la main dessus ! Je vais contacter L'OR..L pour me proposer comme testeur ....