Sésame : de la graine à l'huile (avec la presse Piteba)
Publié le 7 Juin 2020
Le Sésame est la plus ancienne plante oléagineuse connue et cultivée pour son huile. Elle est aujourd’hui cultivée dans de nombreux pays tropicaux et subtropicaux, notamment en Inde et en Afrique.
Au Sénégal, le Sésame est cultivé depuis longtemps dans certaines régions, notamment en Casamance où sa culture a été intensifiée dans les années 1985. Mais peu d’agriculteurs s’intéressent réellement à cette oléagineuse qui a pourtant beaucoup d’atout et qui aurait tout à fait sa place aux côtés des cultures hivernales classiques. En effet, sa culture est simple et demande peu de main d’œuvre. Le semis s’effectue tard dans la saison (mi-août), après la mise en place des autres champs, elle nécessite peu de désherbage et se contente de peu d’eau. De plus, le sésame intègre parfaitement les rotations de culture, car ses racines pivots laissées au sol après récolte enrichissent la terre pour la prochaine culture. En résumé, le sésame pourrait être au minimum un petit bonus de fin de saison, voire un très bon complément en cas de pluies peu abondantes. Bord champ, le sésame se vend entre 500 et 600F/kg au Sénégal, contre 200F/kg pour l’arachide.
L’hivernage dernier, grâce au DRDR de Tamba, je reçus quelques kg de graines de sésame afin de tester sa production au village. J’avais cette expérience en tête depuis longtemps, car je voulais produire ma propre huile de sésame, bien meilleure que l’huile d’arachide, à la fois pour l’alimentation et pour la fabrication de savons. Et puis j’adore croquer le sésame, surtout avec du miel !
Moussa avait déjà cultivé un champ de sésame il y a quelques années à Kourientine. Cela avait très bien marché, mais il n’avait pas su à qui vendre sa récolte et n’avait donc pas réitéré l’expérience. Je lui laissai donc les rennes pour faire un petit champ d’une corde (1/4 d’hectare). Du fait d’une saison des pluies catastrophique avec de longues périodes de sécheresse, les semis levèrent plus ou moins bien et les plantes se développèrent de manière très inégale. Nous gagnâmes 40kg de graines, loin du rendement moyen de 300 à 400kg/ha. Mais quand même de quoi me donner suffisamment de travail pour tester la production d’huile avec ma fameuse petite presse PITEBA, que vous connaissez maintenant bien si vous me suivez depuis quelques temps.
The original hand oil expeller press from Holland, Make cold pressed oil at home. - PITEBA
Piteba oil expeller press: make pure cold pressed oil from seeds and nuts. Walnut, lin seed, sunflower seed, argan, almond, olives, palm fruit, peanuts, cocnut
Le Sésame (Sesamum indicum)
Le sésame est une plante annuelle de la famille des pedialacées qui peut mesurer jusqu’à 2m de haut. Elle a la particularité d’avoir deux types de feuilles : les feuilles du bas sont larges et opposées, dentées et parfois trilobées, alors que les feuilles du haut sont plus fines et alternes. Elle possède un système racinaire mixte qui lui permet de très bien résister à la sécheresse : une racine pivot à croissance rapide d’environ 90cm, et un réseau de racines superficielles peu développées. Son cycle, selon les variétés, varie de 3 à 4 mois.
Les fleurs blanches, solitaires, apparaissent au sommet du rameau principal puis des ramifications. La floraison s’effectue progressivement et les fruits issus des fleurs les plus hautes muriront en dernier. Le sésame est une plante autogame (qui se féconde toute seule) mais la pollinisation entomophile est courante. Le fruit est une capsule qui une fois séchée s’ouvrira pour laisser sortir les fameuses graines de sésame de couleurs variées : blanches, grises et marron. Le séchage est cependant assez long et il faut de la patience pour découvrir son trésor… d’où la fameuse expression « Sésame ouvre-toi ! »
Les plantes de sésames, dans de bonnes conditions, peuvent compter beaucoup de fleurs et donc autant de gousse, jusqu’à 100 par pied !
Une fois la floraison passée, le sésame n’apprécie pas les fortes pluies car trop d’humidité ferait pourrir les capsules. Par contre il pousse remarquablement bien près du fleuve uniquement grâce à la rosée matinale de la fin de saison des pluies. Lorsque les premières gousses sont sèches, il suffit de récolter les plantes entières pour en faire des fagots déposés sur une bâche, puis de les laisser sécher complètement. Le séchage est assez long et les gousses ne s’ouvrent que tardivement. Nous avons récolté en novembre, puis fait sécher jusqu’en décembre. Attention cependant à ne pas laisser les graines dehors trop longtemps, elle font le régal des fourmis et des rongeurs.
La préparation des graines
Si la culture et la récolte du sésame sont très simples, le tri des graines est une tout autre affaire. Notre sésame contenait malheureusement beaucoup de débris végétaux, car les jeunes qui ne connaissaient pas cette plante l’avaient battu comme des arachides… sauf qu’avec des graines aussi petites, il est ensuite très difficile de les nettoyer ! La sœur de Moussa fit ce qu’elle put en vannant les graines, mais le résultat n’était pas suffisant. Je poursuivis donc par toute une série de tamisage, mais même ainsi le sésame n’était toujours pas consommable tel quel. En plus des débris, on pouvait trouver quelques graines provenant d’autres plantes adventices, quelques cailloux, et même des crottes de souris ! De plus, comme j’ai dû stocker mes graines plusieurs mois avant de les trier, j’y ai aussi trouvé les même petites bestioles que l’on trouve dans la farine…
La seule solution fut le tri à la main. Un travail de longue haleine, que je ne fis que pour avoir un peu de sésame à mettre dans mes salades. Pour l’huile, je pris mon sésame brut sachant qu’après pressage, les déchets se décanteraient tous seuls.
Afin d’être pressées facilement à froid, les graines doivent avoir un pourcentage d’humidité entre 8 et 10%. Chez moi en saison sèche, mes graines étaient d’après le test du four à 3% d’humidité seulement ! J’ai choisi de réhydrater mes graines à 9% en ajoutant 60g d’eau par kilo de graines dans un seau étanche pendant 24h. Je vous laisse le soin de lire mon article sur l’huile de Moringa pour en savoir plus sur le test du four et la réhydratation, qui est PRIMORIDAL si vous souhaiter utiliser la presse PITEBA.
Graines de sésames brutes telles que je les ai utilisées pour le pressage de l’huile. On remarque les quelques débris résiduels, ainsi que les différentes colorations
Le pressage avec la presse PITEBA
Pour la description de la presse et son fonctionnement, je vous renvoie au premier article que j’ai écris à ce sujet il y a plusieurs années. Vous pouvez aussi consulter les articles au sujet de l’huile de coco, de moringa et de neem.
Je ne décrirai ici que les spécificités liées au pressage du sésame :
1) Réglage du bouchon terminal à moitié ouvert au départ puis plus serré au fur et à mesure du pressage,
2) Préchauffage à l’aide du brûleur puis pressage à froid,
3) La presse tourne sans bruit mais lentement et il faut pas mal de force pour tourner la manivelle,
4) Pressage kilo par kilo pour éviter la fatigue du bras et les tensions dans le cou !
5) Utilisation d’un petit pilon (cuiller à miel) pour pousser les graines en cas de bourrage de la presse,
6) L’huile coule immédiatement et facilement par la fente (pas d’obstruction), mais il arrive qu’un peu de tahin sorte également (pâte de sésame).
7) L’huile coule aussi au départ par le bouchon terminal, mais ce problème cesse vite. Par contre j’ai quelques fuites au niveau de la vis du réducteur.
Les graines de sésame sont placées dans l’entonnoir, ici une bouteille de Schweppes qui a le bon diamètre pour s’insérer dans le trou d’entrée (les bouteilles de coca font aussi bien l’affaire)
Le tourteau forme ensuite des spaghettis qui tombent par morceaux dans le bol au fur et à mesure du pressage.
Je prélève une dose d’1/4 de tasse que je place dans l’entonnoir, afin de ne pas bourrer l’entrée de la presse
J’utilise une cuiller à miel comme pilon, que je tourne et titille pour faire descendre les graines. J’essaie de ne pas trop appuyer, pour ne pas faire d’effort inutile, car le pressage est déjà assez physique. Je laisse d’ailleurs souvent le pilon pour mouliner à 2 mains et ainsi soulager mon poignet droit et mon cou.
Si le pressage est trop rapide, je sers un peu plus le bouchon terminal afin de gagner en rendement.
La vis à pour effet de diminuer le diamètre des spaghettis de tourteau, la réduction est visible sur cette photo
Au bout d’un petit moment, les graines commencent à s’enduire d’huile jusque dans l’entonnoir, ce qui gène la descente des graines. J’appuie alors un peu plus avec mon pilon.
En plein pressage… vous pouvez constater que la paillasse est plutôt propre, et ce n’est pas exprès pour la photo !
L’huile collectée est foncée, car chargée d’impuretés, mais ce n’est pas un problème car ces dernières décanteront rapidement.
A la fin du pressage, il est important de démonter rapidement la presse à chaud, afin de la nettoyer plus facilement.
Le plus dur est de déboucher le réducteur car le tourteau durcit très vite. Je fais donc le maximum pour percer le tourteau, puis je laisse reposer la pièce quelques temps dans l’eau bouillante pour ramollir ce qui est trop dur.
On observe alors une huile jaune dorée en surface, et les impuretés au fond. La mousse en surface disparaît rapidement
Il reste toutefois quelques graines en suspension et je préfère finir en filtrant l’huile à l’aide d’un filtre à café. Cela permet de gagner quelques millilitres au fond du pot lorsque les impuretés coulent avec.
Voici 3 échantillons issus d’un kg de graine chacun et pressé 3 jours à la suite. Vous constatez que l’huile noire sortie de la presse se clarifie très rapidement.
Il est cependant important de bien laisser décanter le tout pendant 1 semaine pour que les impuretés du fond se condensent au maximum et ne viennent pas resalir l’huile pendant le transvasement. On peut ainsi gagner de précieux millilitres !
Bilan du pressage, rendement et qualité
Le pressage de l’huile de sésame avec la presse Piteba est simple, donne une huile de très bonne qualité, mais demande plus d’effort et de temps qu’avec les autres graines que j’ai testé. Je mets 2h pour presser 1 kg, en comptant le montage et le nettoyage de la presse, à raison de 1kg par jour seulement car c’est assez fatigant. J’ai en tout pressé 25kg entre mars et juin…soit 50 heures de moulinage. Je peux vous dire que consomme mon huile avec modération car je sais l’effort que cela représente !
Côté rendement, j’ai obtenu en moyenne 370g d’huile filtrée et embouteillée (soit 400ml) par kilo de graines, soit un rendement de 37%. Etant donné que le sésame contient entre 45 et 55% d’huile, cela donne une efficacité de pressage de 74% (huile extraite/huile contenue dans la graine). Il me faut donc 2,5kg de graines pour obtenir 1L d’huile, ce qui me prend 5h.
Fabriquant | Claire | |
---|---|---|
% huile dans les graines | 60,4% | 50% (moyenne) |
% extraction | 46% | 37% |
Efficacité d'extraction | 77% | 74% |
G huile pressée /h | 1738g/h | 185g/h |
L huile pressée /h | 1,93l/h | 0,2l/h |
kg de graines pressées par h | 3,8kg/h | 0,5kg |
Mes résultats sont bien moins bons que ceux présenté par le fabricant Piteba, résumés dans le tableau précédent. Cependant mon efficacité d’extraction est quasiment identique. J’en conclus que mon plus faible rendement est surtout dû à la qualité de mes graines : en effet, j’ai utilisé des graines brutes mal triées, contenant des impuretés et surement pas mal de graines non viables (sans réserve oléagineuse. La variété que j’ai produite est aussi surement moins riche en huile que celle utilisée par le fabricant. En clair, mon kg de graines n’est pas équivalent à son kg de graines.
Par contre, si l’on fait l’hypothèse que mes graines contiennent en moyenne 50% d’huile, la presse extrait environ 75% de l’huile, ce qui signifie que la performance de la presse est telle qu’indiquée. Par contre, je suis très surprise de la quantité de graines pressées par heure… croyez-moi, j’ai essayé d’aller plus vite, je ne peux pas ! Certes, le fait de faire kg par kg fait perdre du temps de montage et de nettoyage, mais finalement assez peu (15 min) et cela n’explique pas la grande différence.
Une autre différence est le taux d’humidité. Le fabriquant opte pour le sésame un taux d’humidité plus faible que d’habitude, entre 4 et 5%, au lieu de 8 à 10% habituellement conseillé. Une autre explication pour son rendement plus élevé. J’ai personnellement essayé de descendre ne serait-ce qu’à 8% mais la presse était déjà trop difficile à tourner, je suis donc revenue à 9%.
Par ailleurs, dans la presse, l’huile s’échauffe et peut dépasser 50 degrés, ce qui est un peu limite pour une pression à froid. J’ai toutefois lu qu’on pouvait considérer une pression à froid jusqu’à 60°C. Ce problème est surement spécifique à mon contexte environnemental car j’ai réalisé la plupart du pressage au pire de la saison chaude, alors qu’il faisait 40°C dans la pièce. Difficile dans ces conditions de conserver une huile à moins de 40°C ! Cependant, l’échauffement est très temporaire car une fois que l’huile a coulé dans le pot, sa température redescend rapidement. La couleur jaune dorée est plutôt rassurante car elle est typique du pressage à froid. L’huile de sésame extraite à chaud est quand à elle très foncée.
En conclusion, même si je suis déçue d’obtenir un rendement plus faible que prévu je suis toujours satisfaite de l’utilisation de ma presse Piteba pour de petites quantités. Il me faudra toutefois encore du temps pour trouver les meilleures conditions de pressage et ainsi espérer réduire le temps de moulinage.
Composition et utilisation de l’huile de sésame
Usage alimentaire :
De couleur jaune doré, cette huile pressée à froid a une légère odeur de sésame bien reconnaissable. Elle est riche à la fois en oméga 6 et en oméga 9. Au hasard de mes recherches j’ai lu quelque part qu’elle était bonne pour le fonctionnement du cerveau et la détoxification de l’organisme !
L’huile extraite à froid, du fait de sa richesse en oméga 6, supporte mal la cuisson. Il vaut donc mieux l’utiliser crue. Elle est délicieuse dans les sauces salades mais j’avoue que je l’utilise également pour faire cuire mes légumes si je n’ai pas d’autre huile à ma disposition. Je pense que la cuisson au four solaire n’est pas si néfaste qu’une friture…
Pour la cuisson, l’huile d’arachide, pauvre en oméga 6, est nettement plus stable. On voit ainsi que l’huile de sésame et l’huile d’arachide se complètent bien et que les sénégalais gagneraient à produire ces deux huiles à partir de leur récolte.
Usage cosmétique :
L’huile de sésame contient principalement de l’acide oléique (45%) et de l’acide linoléique (37%) ce qui en fait une huile très équilibrée pour la réalisation de savon. Je l’utilise en remplacement de l’huile d’olive, mais toujours à un pourcentage inférieur à 30% car au-delà elle rendrait le savon trop mou.
Je l’utilise également pour réaliser mes baumes. On lui prête en effet des propriétés régénératrices et assouplissantes de la peau. De manière générale elle pénètre bien la peau et est aussi très agréable comme huile de massage, d’autant plus qu’elle soulagerait les maux de dos et les douleurs articulaires.
Enfin, je l’utilise dans mon dentifrice maison, mélangé à de l’argile et des huiles essentielles.
Conservation :
L’huile de sésame contient naturellement de la vitamine E, de la sésamoline et de la lécithine, des anti-oxydants qui lui confèrent une très bonne conservation (plusieurs années). Evidemment, il vaut mieux la stocker à l’abri de l’air, de la chaleur et de la lumière.
Utilisation des tourteaux
Les tourteaux sont les résidus qui sortent de la presse. Ils sont particulièrement riches en protéines et ont une composition proche des tourteaux d’arachides. On les utilise généralement pour l’alimentation du bétail, mais aussi en pisciculture. Je suppose qu’il pourrait également servir d’engrais au jardin ou être incorporé au compost, mais je n’ai pas trouvé d’information à ce sujet.
Pour ma part, je les donne aux femmes du village pour qu’elles en fassent des savons traditionnels, comme elles le font avec les tourteaux d’arachide. C’est en quelque sorte leur petit cadeau pour m’avoir aidé à vanner et trier ma récolte !