Prix Terre de Femmes 2022, l’aventure continue !
Publié le 27 Avril 2023
Chaque année depuis plus de 20 ans, la Fondation Yves Rocher récompense des femmes qui s’engagent pour la protection de l’environnement à travers son prix Terre de femmes. Alors que la cérémonie 2023 vient de se dérouler (découvrez ici les nouvelles lauréates 2023), il est grand temps que je vous fasse partager ce qu’a été mon aventure 2022.
C’est fin 2021 que via une amie apicultrice baroudeuse (Virginie, mille merci !), j’ai candidaté à ce prix Terre de Femmes dont je ne connaissais pas l’existence, à quelques jours de la date limite de dépôt. Il me fallut cependant peu de temps pour remplir le dossier, car le projet que je mène à Kourientine était déjà bien mûr et le travail bien engagé. Des arbres, des abeilles, la valorisation des produits naturels, l’implication des femmes du village… un projet que je nommai pour l’occasion « La Ruche de Kourientine » Ceux qui me suivent depuis plusieurs années sur ce blog devinent de quoi je parle !
Les préparatifs
Après avoir été présélectionnée, on me demanda de faire une petite vidéo de présentation du projet avec les moyens du bord. C’est en toute fin d’année que j’appris ma sélection en tant que l’une des 3 lauréates et mon invitation à la cérémonie qui aurait lieu à Paris en juin 2022. Il s’en suivit de nombreux échanges avec l’équipe de la Fondation afin de réaliser le clip vidéo officiel de mon projet et préparer l’événement, grâce à l’appui technique de notre association Nawari Kourientine. Un gros travail d’équipe au village fut également réalisé afin d’honorer la commande de 350 savons qui seraient remis aux invités lors de la cérémonie.
En mai, je partis à l’aéroport pleine d’espoir et les valises pleines de savons, pour un grand tour entre la Bourgogne, la Bretagne et Paris, qui me réserverait à n’en point douter plein de surprises.
Fatou et Fatou préparent les savons (je n’ai pas compté combien il y a de Fatou dans le groupement mais… beaucoup !)
La cérémonie
Le 14 juin, nous étions un petit groupe réuni pour une journée spéciale entre lauréates, de l’année et des années précédentes, afin de créer des liens entre nous. Car plus qu’un prix, Terre de Femmes est une communauté de femmes qui s’engagent dans la durée, souvent même pour la majeure partie de leur vie, dans des projets un peu fous pour faire bouger le monde. Une belle journée pour nous faire prendre conscience que même si nous sommes souvent seules face aux difficultés de nos projets, d’autres personnes vivent ces mêmes difficultés et trouvent le courage de continuer pendant des années et des années, font évoluer leurs idées, transmettent… rien n’est figé, rien n’est écrit à l’avance et nos projets vivront après nous. Une belle leçon d’humilité et de persévérance !
Le soir même eut lieu la cérémonie de remise des prix, avec son lot de surprises et d’émotions. Non seulement il y avait la surprise de la place et donc de la dotation (3 000, 5 000 ou 10 000€), mais les organisatrices avaient pris soin de préparer des petites surprises pour chacune d’entre nous. Alors oui, c’était très émouvant de recevoir le 1er prix Terre de Femmes devant un public aussi grand que le village de Kourientine, devant ma famille et mes amis qui me soutiennent inconditionnellement depuis des années, devant Baketi, immigré originaire de Kourientine qui voyait pour la première fois sa famille sur un grand écran parisien. Emouvant de voir descendre dans l’ombre des projecteurs mon ex-patron et ami Jean-Guy, qui m’aura guidé pendant mes premières années au Sénégal… Une magnifique soirée, je vous laisse le soin de regarder la vidéo pour vous mettre dans l’ambiance !
Sur scène avec mes co-lauréates Caroline et Alexane, et l’équipe de la Fondation Françoise et Marie-Anne
Ma maman, toujours là pour moi, et 2 fiers représentants de Kourientine, dont Baketi au centre qui est le cousin de mon mari Moussa.
Le lendemain, nous étions invitées (les lauréates francophones) à rejoindre une destination « mystère » pour un petit moment de détente. Bon, nous avions toutes déjà deviné que nous allions à La Gacilly, fief du Groupe Yves Rocher. Et en partance de la Gare Montparnasse, le doute n’était plus permis ! 2 jours de beau temps (incroyable en Bretagne) en pleine nature, des découvertes, des visites, des bons moments, des bons petits plats, et même des projets qui germent… je ne vous en dis pas plus pour le moment !
J’eus également la surprise (encore !) de rencontrer Julien, qui habite non loin et qui avait fait le déplacement pour me voir. Julien, je ne l’avais rencontré qu’une seule fois auparavant, à Paris, à la fin de mon Master, et il m’avait mis en contact avec l’association qui m’envoya au Sénégal la toute première fois… Merci Julien ! Depuis nous sommes restés en contact, en suivant nos projets respectifs, et ce n’est que 17 ans plus tard que nous nous sommes revus.
Le Retour
A peine le temps de reprendre le train pour Paris, de dire au revoir à tout le monde, que mon avion me ramenait au Sénégal pour poursuivre l’aventure… remontée à fond et… Bing ! Tout ne se passa pas vraiment comme prévu.
A mon retour au village, je découvris plusieurs problèmes. Vous me direz que j’ai plutôt l’habitude des problèmes, car ici rien n’est simple… mais quand même, ceux-là étaient directement liés au projet et me donnèrent un coup au moral (pas bien long rassurez-vous). Donc, nous avions 2 faits ennuyeux à gérer :
Premièrement, suite à une saison sèche plutôt difficile et surtout à une diminution constante de la pluviométrie depuis plusieurs décennies, la majorité de mes colonies d’abeilles avaient décidé de déserter. C’est un problème que je vis chaque année, mais jamais avec cette intensité : sur ma quarantaine de ruches, je n’avais plus que 8 colonies… Je ne leur en veux pas, au contraire : elles sont parties d’elles-mêmes vers d’autres contrées plus attractives, au lieu de se laisser mourir sur place. Mais cela voulait dire passer beaucoup de temps à remettre les ruches en fonction et attirer de nouvelles colonies pendant la saison des pluies.
Heureusement, la nature est forte et au bout de 3 mois, j’avais repeuplé 23 ruches. Pas mal n’est-ce pas ? Malheureusement qui dit peuplement tardif dit pas de récolte de miel… sauf pour 2 vieilles ruches dont les colonies avaient résisté toute la saison et qui m’ont donné chacune 30kg de miel ! Dingue !
Une ancienne colonie qui a résisté à la saison sèche devient ultra dynamique pendant l’hivernage. Dans la hausse, 30kg de miel sont bien cachés
Le second problème, fut de découvrir que pendant mon absence, mon voisin avait loué plusieurs hectares de ses terres à un grand producteur de piments. L’accès au terrain sur lequel j’avais commencé mes plantations était complètement bloqué, et surtout, cela signifiait que j’allais devoir supporter la pulvérisation de pesticides à gogo. Dur dur dur…
Heureusement, avec l’aide de la plupart des villageois, nous avons obtenu le rétablissement de l’accès au terrain. Reste le problème des pesticides, qui sera bien plus long à régler. Cependant j’ai l’espoir que cette culture intensive conventionnelle ne durera pas bien longtemps. Comme je l’ai déjà constaté dans la zone, la culture des piments, catastrophique pour le sol, l’environnement et la santé, est souvent remplacée par la culture de bananes, qui elle ne demande aucun pesticide et qui est donc à terme plus rentable (s’il faut avoir un argument financier pour les personnes qui ne se soucient ni de la santé du sol ni de celle des êtres vivants). En attendant, il faut gérer avec cette situation et continuer à avancer… comme on dit ici, à pas de caméléon (3 pas en avant, 2 pas en arrière). Mais même si le caméléon avance lentement, il avance. Et j’en ai déjà vu un courir, c’est impressionnant !
Donc résistons encore et toujours, et poursuivons nos efforts car c’est justement dans des situations d’urgence comme celles-ci que notre combat devient primordial. Et puis de petites victoires nous rappellent heureusement que tout est possible, comme cette petite abeille d’une de mes ruches, qui vient butiner les fleurs d’un arbre que j’ai planté il y a 5 ans… c’est un peu comme si deux des 10000 pièces de notre projet s’emboîtent enfin !
Vue des premiers arbres mellifères, fruitiers et forestiers plantés ces 5 dernières années autour du puits. La haie d’acacias mellifère fait maintenant office de barrière avec la parcelle de piments.
L’hivernage (Juillet à Septembre)
Après quelques semaines de remise sur pied (digestion des nouvelles, ménage, visite des ruches, etc...), il était grand temps de se remettre au travail. Au programme de la saison des pluies, les plantations bien sûr ! Avec l’aide de mon mari Moussa, les femmes, les hommes et même les jeunes, nous avons plantés ça et là des arbres fruitiers et forestiers : dans le village, au bord des champs, sur le terrain du conservatoire… en petite quantité cette année, car j’étais en France au moment où il fallait préparer les pépinières, donc nous avions peu de plants sous la main.
Moussa transplante des jeunes Fromagers (Ceiba pentandra), arbre majestueux malheureusement en déclin dans notre zone
Les femmes replantent des arbres fruitiers autour de leurs cases au village, ici un Pomme-cannelle (Annona senegalensis)
De mon côté je prépare une nouvelle pépinière, histoire d’avoir de l’avance pour l’année prochaine, en privilégiant des essences fruitières locales et résistantes : citronniers de Casamance, pomme-cannelle, fruits de la passion, anacardiers…
La saison sèche (Octobre à maintenant)
Lorsque les pluies finissent, vient le temps du désherbage puis de l’arrosage… tout un programme. Les plantes grandissent et les fruits murissent. Cette année, les femmes du groupement ont pu commencer à récolter les plantes entourant leur parcelle : Henné, roucou, moringa… des produits qui entrent dans la composition de nos différents savons.
Les femmes ont aussi pu faire la cueillette de l’Hyptis suaveolens, dont nous avons extrait 100ml d’huile essentielle. Une toute petite quantité qui représente tout de même un grand travail : plus d’une centaine d’heures de travail de la récolte à la distillation ! Cette huile essentielle aux vertus antibactériennes et anti-infectieuses entre notamment dans la composition de notre « Bobo Baume » pour soigner tous les petits bobos des villageois, petits et grands !
Nous avons également eu la chance d’être inclus dans le programme d’appui à la production d’huiles essentielles, en partenariat avec l’Université de Saint-Louis, l’Institut de Technologie alimentaire de Dakar, et l’Université de Gembloux en Belgique. Une première formation a eu lieu en décembre afin de fabriquer des jus et sirops de citrons, oranges et pamplemousses, tout en préparant les zestes pour la distillation d’huile essentielle. Nous avons également reçu des boutures de plantes aromatiques pour la future production et distillation de plantes aux vertus insecticides… mais je vous en dirai plus dans un article spécial.
Première récolte de roucou (Bixa orellana), aux vertus protectrices et anti-oxydantes, avec lequel nous faisons un macérat huileux qui donne aux savons et aux baumes une magnifique couleur orange
Première récolte de Henné, que les femmes utilisent pour les tatouages lors des fêtes, mais dont les propriétés purifiantes permettent de faire de bons savons.
Et la dotation Terre de Femmes dans tout cela ?
Pour commencer rapidement, nous avons acquis du matériel pour le groupement des femmes, afin d’améliorer la qualité des produits transformés : matériel de savonnerie (découpe-savons, balance de précision, téflon, ustensiles en inox...) ainsi qu’une presse à huile PITEBA motorisée qui fonctionne à l’énergie solaire.
L’objectif était également de construire l’atelier des femmes… ce qui est maintenant prévu pour démarrer après l’hivernage. En effet, il aura fallu plus de temps que prévu pour s’organiser, mais aussi pour trouver les financements complémentaires. Mais nous tenons le bon bout et nous espérons que d’ici un an les femmes pourront travailler dans leur atelier éco-construit.
Nous poursuivons toutefois nos recherches de partenaires et nos appels aux dons afin de compléter les financements de la partie Conservatoire Botanique : mise en eau du puits, pompe solaire, château d’eau et clôture.
Si vous souhaitez nous aider sur ce projet, contactez l’Association Nawari Kourientine par mail à nawari.kourientine@gmail.com
Plan de la future Maison des femmes, incluant un atelier multifonctionnel et un espace de réunion ouvert, s’ajoutant au magasin et au Thialy existants.
Si vous souhaitez connaître d’autres projets portées par des lauréates Terre de Femmes, ou candidater au Prix Terre de Femme (il y a aussi un prix international) :
Terre de Femmes - Femmes engagées - Fondation Yves Rocher
Découvrez le programme Terre de Femmes créé par la Fondation Yves Rocher pour soutenir le combat de femmes engagées pour l'environnement.