Ma ruche à Koussan
Publié le 26 Décembre 2013
Avant de partir en France l’année dernière, j’avais confié la gestion de ma ruche à un vieil apiculteur de Koussan, Mamoudou Cissokho. Mamoudou était un des rares au village à avoir eu des ruches traditionnelles en paille lorsqu’il était jeune. Il allait aussi récolter les essaims sauvages sans tenue ni enfumoir, juste avec une torche enflammée. Par ailleurs, il possède une grande connaissance des plantes médicinales et prépare encore des remèdes traditionnels. Ironie du sort, Mamoudou ne faisait pas partie des bénéficiaires du projet apicole que nous initiâmes quelques années auparavant, car les écogardes avaient été privilégiés pour les encourager dans leurs efforts. Afin de réparer cet « oubli », je confiai ma ruche à Mamoudou dont la première mission serait de peupler cette dernière, puis à veiller sur elle pendant mon absence. Nous partagerions ensuite la récolte, comme il se doit.
Après mon départ, Mamoudou répara donc ma ruche, boucha les petits trous avec de la cire, la nettoya et l’installa au même endroit dans le rucher. Sa seule fantaisie fut d’inverser le sens de l’entrée. Le temps passa, mais rien n’y fit, aucune abeille ne vint. Après l’hivernage, Mamoudou ressortit la ruche, la nettoya à nouveau et l’embauma avec du parfum (c’est bien connu, les sénégalais ont toujours un petit flacon de parfum sur eux… ne me demandez pas pourquoi !). 3 jours plus tard, la ruche était enfin peuplée !
Lors de mon passage à Koussan, la première chose que je fis fut donc d’aller visiter ma ruche pour voir l’état de la colonie au bout de trois mois. Le soir venu, je partis toute seule armée de ma combinaison, de mon lève-cadre, de ma torche et de mon enfumoir. Après avoir allumé ce dernier avec un peu de paille et des bouses de vaches trouvées près du rucher (pratique n’est-ce pas ?), j’ouvris ma ruche en commençant par enlever les barrettes du côté opposé à l’entrée. Les abeilles sortirent mais ne piquèrent pratiquement pas. A part quelques une qui s’énervèrent contre ma lampe torche. Une douceur relative sans doute à mettre sur le compte de la taille de la colonie, de la fraicheur du moment et de l’absence de réserve de miel (comme je le constatai plus tard).
Voici donc ce que je vis en ouvrant ma ruche : une petite colonie étendue sur une 10 aine de rayons, dont les derniers n’étaient encore que de petites amorces. Pas de ponte ni de larve, bien que la trace d’un ancien couvain (cire plus foncée) fut encore visible sur l’un des derniers rayons. Pas de pollen non plus, pas de miel… juste quelques alvéoles à moitié remplies de nectar. Je ne pus toutefois pas observer les premiers rayons, collés ensembles et à cheval sur deux barrettes. Nous n’avons malheureusement pas encore trouvé d’amorce concluante pour le moment, et les constructions transversales sont fréquentes.
En refermant ma ruche, je jetai un œil sur les parois extérieures, car les abeilles ont l’habitude de s’y regrouper lors des visites. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis une abeille à l’abdomen plus long que les ailes, se promener sur le bois en dehors de la ruche… Etait-ce la reine ??? L’avait-je dérangée en essayant de décoller les premiers rayons ? Dans le doute, je la suivis jusqu’à ce qu’elle retrouve les autres ouvrières devant l’entrée et je reposai le toit avec précaution. Désolé de ne pas avoir pris de photo témoin, mais en pleine nuit il est déjà difficile de tenir à la fois l’enfumoir, le lève-cadre et la torche avec deux mains gantées… alors ajouter l’appareil photo serait un exploit ! Espérons juste que la colonie n’aura pas été dérangée par ma visite.
Et voilà la preuve : les abeilles africaines propolisent bien ! Il reste à observer à quelle saison, en quelle quantité, et comment diable récolter la propolis sur des ruches kenyanes...
De retour au village, j’expliquai aux autres apiculteurs mes observations. Selon eux, décembre est un mois difficile pour les abeilles. Pas d’arbres en fleur, beaucoup de vent et des températures hivernales (20-25°C… ne riez pas !). L’hiver est court ici, mais j’en conclue qu’il peut suffire à provoquer une rupture de ponte… du moins dans les petites colonies. Une promenade autour du rucher le lendemain me permit de constater l’absence d’arbres en fleur, à part le « thiamanoye » (Cordia myxa) à l’entrée du village. Il faut encore attendre quelques semaines avant de voir les premiers acacias se parer de leurs jolies petites boules jaunes, pareilles au mimosa.
Mamoudou en profita également pour me montrer deux ruches traditionnelles en paille, qu’il avait réalisées d’après ses souvenirs. Une seule entrée pour une ruche qui ne sert qu’une année. En effet, la colonie ne survit généralement pas aux récoltes par le feu, et quand bien même, les pluies viennent facilement à bout de cette petite cabane en paille. Cette ruche est faite de paille tressée avec des lanières d’écorces de baobab ou du fil de fer (moins traditionnel…). L’intérieur est enduit de bouse de vache ou d’argile. L’entrée est bouchée à l’aide d’un carton (pas trop traditionnel non plus…) percé d’un petit trou, et collé à la ruche avec de la bouse de vache. Je ne sais pas comment il faisait vraiment à l’époque, sans carton ni fil de fer… bref !
Quand je demandai à Mamoudou dans quel sens les abeilles construisaient les rayons, il me répondit simplement que c’était la manière dont l’intérieur était enduit qui déterminait le sens : si l’enduit était « tapissé » en cercle, les abeilles construisaient perpendiculairement à la ruche, et si l’enduit était tapissé longitudinalement, les abeilles construisaient parallèlement à la ruche. La trace des doigts formant en quelque sorte des amorces… pas bête hein ?
Plein d’espoir, Mamoudou me dit qu’il les installerait dès le lendemain dans le rucher…