Carnet apicole du mois d'août
Publié le 16 Août 2014
A partir de ce mois d'août, et ce pour chaque mois de l'année à venir, j'ai décidé de vous faire découvrir les principales espèces mellifères situées sur mon terrain. Car cela fait partie du travail de l'apiculteur de connaître les ressources floristiques disponibles pour les abeilles. On peut ainsi établir un "calendrier apicole" précisant les dates de floraison des espèces mellifères, la préférence des abeilles pour telle ou telle espèce, ainsi que l'utilisation du nectar et/ou du pollen selon les espèces.
Ces données sont indispensables pour comprendre le cycle annuel des abeilles (périodes de croissance des colonies, essaimage), identifier les périodes de déficit en ressources floristiques (possibilités de désertion) et programmer les récoltes au bon moment (maximum de réserve, recherche d'un type de miel particulier). Vous imaginez bien que les données à ce sujet sont très limitées pour les espèces tropicales, d'autant plus que les dates de floraison sont très variables d'une partie à l'autre de l'Afrique. Tout est donc à faire, et vous me direz, il y a plus désagréable comme travail que de se promener en brousse à l'affut des fleurs, guidé par le doux bourdonnement des abeilles !
Pour ce premier carnet apicole, je vous présenterai donc deux espèces, qui sont les deux seules sur lesquelles j'ai pu observer des abeilles. La première est le Dichrostachys cinerea, arbuste épineux de la famille des mimosacées, présent en abondance dans toute la zone. La deuxième est le Jatropha curcas, arbuste buissonnant introduit dans les villages et planté comme haie vive autour des champs.
J'ai aussi cru entendre des abeilles au dessus d'un grand Mitragyna inermis, mais j'attendrai d'avoir des photos pour prouver mes dires... D'autres espèces mellifères de la famille des mimosacées avaient également quelques fleurs, mais en trop petit nombre surement pour attirer les abeilles : le Mimosa pigra, l'Acacia macrostachya et l'Acacia nilotica.
Dichrostachys cinerea
Description : Il s'agit d'un arbuste épineux de quelques mètres de hauteur, facilement identifiable à ses petites fleurs roses et jaunes (Dichrostachys signifiant "deux couleurs"). Il fait partie de la famille des mimosacées, comme les acacias. En français, on le nomme mimosa clochette, en référence à ses fleurs, et en anglais Sickle bush, en référence à ses gousses spiralées. Il est réparti sur une grande partie du continent africain. Il résiste à la sécheresse et au feu, mais supporte mal les inondations.
Apiculture : Les données bibliographiques sur cet arbuste sont relativement pauvres. Il est seulement noté que les fleurs sont mellifères, sans préciser si les abeilles sont attirées par le pollen et/ou par le nectar. D'après mes photos, les abeilles vont clairement collecter le pollen, mais je ne peux rien conclure quant au nectar. La fleur a une odeur douce et agréable, mais la forme de l'inflorescence suggère une pollinisation par les chauves-souris (Orwa et al. 2009). Rien n'empêche toutefois que les abeilles puissent collecter le nectar si leur langue est suffisamment longue...
Autres utilisations : Les fruits et graines sont comestibles, et les feuilles broutées par le bétail. Le bois est résistant aux termites et fait du bon charbon. On l'utilise traditionnellement pour soigner des maux divers et variés (toux, dysenterie, lèpre), mais notons surtout que les racines sont un bon vermifuge et que les feuilles et les fruits sont antivenimeuses (serpents et scorpions). Planté sur des sols dégradés, il freine l'érosion du sol et aide à sa régénération en l'enrichissant en azote (nodosités, décomposition des feuilles).
. Son nom français est Pourghère, mais on le connaît plus sous son nom latin, depuis que l'industrie s'intéresse au jatropha pour la production de biocarburant. O Ses inflorescences sont des corymbes disposés en bout de rameaux. Les fleurs sont de petites corolles vert-jaune à 5 pétales. Il fleurit en seconde partie de saison sèche, mais comme pour le Dichrostachys, sa floraison s'étale sur une longue période y compris pendant l'hivernage. Le mois d'août semble cependant être la fin de sa floraison, car de nombreux fruits sont déjà présents. On le trouve plus souvent au niveau des villages et dans les haies entourant les champs (espèces non appétée par le bétail).
cette espèce hormis que ces fleurs seraient très appréciées des abeilles. En effet, d'après les villageois, les abeilles adorent venir butiner les jatropha situés autours des champs. Sur les photos suivantes, on voit une abeille collecter le nectar. Je n'en ai pas vu collecter du pollen, qui de toute façon semble en faible quantité. Le miel d'euphorbiacées serait plutôt foncé et amer (Paterson 2006). Le jatropha étant réputé comme toxique, je me suis posée la question de l'éventuel toxicité de son miel. Voici la réponse donnée par le CETAM, laboratoire spécialisé en analyses des miels en Loraine, créé par le Dc Schweitzer que j'ai eu la chance de rencontrer lors de ma formation à Vesoul :
Le Jatropha curcas est une euphorbiacée. Cette plante est connue pour produire une toxine proche de la ricine. Je n’ai aucune donnée bibliographique sur la toxicité éventuelle de son miel. Ce n’est pas du tout obligatoire. Ce n’est pas parce qu’une plante est toxique sur l’une de ses parties que son nectar est lui-même toxique. Le nectar est une sécrétion des plantes dont le but est d’attirer les insectes pollinisateurs. Il ne représente en rien ni une composition globale de la plante ni une composition de l’un de ses autres éléments, organes divers ou même sève. Un exemple simple hors problème de toxicité illustre cela: le nectar des tilleuls contient du menthol pas leurs fleurs ni leurs feuilles alors que les feuilles des menthes contiennent du menthol et pas leur nectar. Donc pas de conclusions hâtives à ce sujet. Une plante peut être très dangereuse sans que son nectar le soit. Par ailleurs, s’agissant des nectars toxiques pour l’homme (ils sont peut nombreux), le danger n’est réel que lorsque les miels sont soit monofloraux, soit proviennent en grande partie de la plante dangereuse. Avec les miels polyfloraux, ce risque s’avère très faible du fait de la dilution du poison.