Le sol de mon terrain : l'argile, les termites... et les limaces !

Publié le 30 Août 2014

Le sol de mon terrain : l'argile, les termites... et les limaces !

Écrire un article sur le sol en cette fin d'été est un pari original mais risqué et je devine déjà que cela ne passionnera pas les foules. J'aurais pu faire un effort et publier quelques photos de mer, de plages, de bateaux, de motos et d'autres plaisirs d'été, mais à Tamba le choix est relativement limité, vous m'excuserez. Peut-être un jour, j'écrirai un article sur la piscine en béton de l'hôtel Oasis... Bref, j'assume ma ligne éditoriale du moment, au risque de recevoir des commentaires moqueurs de mon cousin qui trouvera bien quelques amusements sur le sujet...

Je vais donc sérieusement vous parler du sol, de ses caractéristiques, des petites bêtes que l'on trouve dedans, jusqu'à comprendre le rôle des limaces dans affaire là. Mais que viennent faire les limaces ici me direz-vous... eh bien je ménage le suspense jusqu'au bout, car j'espère bien que le mot "limace" à lui seul attisera la curiosité des jardiniers avides de vengeance après un été particulièrement humide. Pour les plus courageux d'entre vous qui iront jusqu'au bout de l'article, vous aurez droit en cadeau bonus à quelques solutions simples pour vous débarrasser des limaces sans avoir recours aux techniques barbares et peu ragoutantes habituellement préconisées. Si ça c'est pas du teasing...

Commençons donc notre petite aventure dans le sol tropical, en prenant comme exemple celui de mon terrain, au bord du fleuve Gambie. L'étude du sol fait partie des éléments de base lors de la phase d'observation, préalable au design permacole. Car de la nature du sol dépendra les choix que nous ferons en termes de plantation fruitière, de maraîchage, d'aménagement du terrain ou encore de construction. Par exemple, un sol à tendance sableuse sera plus pauvre en minéraux et plus sensible à la sécheresse, il faudra donc prévoir d'amender le sol avec du compost pour les plantations, de jouer sur les associations de plantes fertilisantes, et de trouver un système de rétention d'eau. A l'inverse, un sol argileux compact et lourd sera plus asphyxiant et certaines plantes auront du mal à s'y développer, à moins d'aménager un système de drainage, de planter des espèces végétales compagnes aux racines profondes, etc.

 

OBSERVATION DE LA STRATTE VEGETALE :

Une première approche pour connaître la nature d'un sol est d'observer le terrain et les espèces végétales qui s'y développent naturellement. Sur mon terrain, un inventaire rapide des arbres et arbustes les plus abondants me permet d'identifier le Mitragyna inermis, le Terminalia macroptera, l'Anogeissus leiocarpus, le Borassus flabillifer (palmier rônier), le Cassia sieberiana et le Dichrostachys cinerea. Que des espèces affectionnant les sols lourds et argileux, typiques des bas-fonds et des cours d'eau. Pas de surprise jusque là. Bien sûr ce ne sont pas les seules espèces présentes, comme le Bombax costatum, le Guiera senegalensis, les acacias, les combretums, qui se développent sur différents types de sols.

Ceci est un autre indice... ;-)

Ceci est un autre indice... ;-)

Il faut maintenant mettre la main à la pâte et s'armer d'un petit "daba", outil indispensable pour prélever la terre tellement le sol est dur. J'ai choisi de récolter 3 échantillons dans 3 zones différentes de mon terrain : la partie en jachère (ancien champ de sorgho), la partie forestière éloignée du fleuve, et enfin la zone proche du fleuve. Pour l'analyse de ces échantillons, je me suis aidée du "Manuel des jardins agroécologiques", qui dispose de très belles illustrations pour comprendre la structure et la texture du sol. J'ai aussi trouvé un lien de la FAO plus complet sur les différents tests que l'on peut faire facilement.

 

LA STRUCTURE DU SOL :

La première chose qui nous frappe en creusant le sol, c'est sa dureté. Mais une fois le travail commencé, la terre se casse facilement pour former des petits grumeaux. Un peu comme le couscous, terme souvent employé par Claude Bourguignon et que mon ami Abdoulaye Sarr répète avec nostalgie. Entre mes 3 échantillons, le sol forestier est celui qui a une structure la plus grumeleuse, surement parce qu'il est moins humide (protégé par les arbres). Le sol de la partie en jachère est à l'inverse très compact, plus rouge et il reste en motte. Il est surement plus humide en étant à découvert, mais on peut aussi envisager un effet du travail du sol antérieur. Le sol près du fleuve possède quant à lui une structure intermédiaire.

Le manuel des jardins agroécologiques (Terre et Humanisme).

Le manuel des jardins agroécologiques (Terre et Humanisme).

Couche superficielle du sol dans la partie Forêt de mon terrain.

Couche superficielle du sol dans la partie Forêt de mon terrain.

Couche superficielle du sol dans la partie Jachère de mon terrain.

Couche superficielle du sol dans la partie Jachère de mon terrain.

TEXTURE DU SOL :

La texture du sol est sa proportion en argile (petites particules < 0,002mm), en limon (particules entre 0,002 et 0,6mm) et en sable (particules entre 0,06 et 2mm). En connaissant le pourcentage de chaque classe, on peut déterminer s'il s'agit d'un sol argileux, limoneux ou sableux, avec toute une gamme de nuance. Il suffit de lire un triangle des textures, facilement trouvable sur internet.

Un test simple permettant des résultats assez précis est le test du bocal : il suffit de remplir un bocal avec 1/3 de terre fine (échantillon préalablement tamisé pour retiré les gros morceaux) et 2/3 d'eau. Remuez et laissez décanter quelques heures, voire plusieurs jours si l'eau est trouble (présence d'argile longue à décanter). On mesure ensuite la proportion de chaque couche que l'on convertit en pourcentage.

Préparation de la "terre fine". L'échantillon est passé au tamis (mailles de 2mm pour éliminer les cailloux et graviers) pour une meilleure application des tests.

Préparation de la "terre fine". L'échantillon est passé au tamis (mailles de 2mm pour éliminer les cailloux et graviers) pour une meilleure application des tests.

Test du bocal, après 1 semaine de décantation.

Test du bocal, après 1 semaine de décantation.

Terre prélevée dans la partie Forêt

Terre prélevée dans la partie Forêt

Terre prélevée au bord du Fleuve

Terre prélevée au bord du Fleuve

Un point commun entre mes trois échantillons est l'absence de sable. La texture de mon sol est donc très fine, argilo-limoneuse, typique des sols hydromorphes entourant les cours d'eau. Il y a toutefois une gradation entre le sol limoneux proche du fleuve, le sol argilo-limoneux de la forêt, et le sol quasi-argileux (à quelques % près) de la partie en jachère.

La petite différence entre les trois échantillons est encore plus visible si on fait le test du rouleau de terre : avec une petite boule de terre mouillée mais non collante, on réalise un petit boudin de terre de 0,5mm de diamètre et de 15cm de long. On essaie ensuite de rejoindre les 2 bouts du rouleau en un cercle :

  • Si on y arrive et que le rouleau reste bien lisse, il s'agit d'un sol argileux,
  • Si on y arrive et que le rouleau se fissure, il s'agit d'un sol argilo-limoneux,
  • Si on casse le rouleau, il s'agit d'un sol limoneux.
Test des rouleaux de terre : de la plus argileuse (à gauche) à la plus limoneuse (à droite).

Test des rouleaux de terre : de la plus argileuse (à gauche) à la plus limoneuse (à droite).

LA VIE DANS LE SOL TROPICAL... OU COMMENT SE PASSER DE LIMACES !

Eh oui, on y vient enfin, nous allons parler de limaces. Mais avant de termites. Et encore avant d'humus. Ou plutôt d'absence d'humus dans les sols tropicaux. J'avoue moi-même ne pas bien connaître les sols, même après des études d'écologie où la biologie du sol est traitée à la va-vite. J'apprends donc au fur et à mesure, d'autant plus que les sols tropicaux sont très différents des sols des milieux tempérés. La principale différence est l'absence d'humus, cette couche de terre noire, organique, que l'on trouve en surface d'un sol de milieu tempéré et qui caractérise sa richesse pour le développement des plantes.

Ici donc, pas d'humus : effectivement, en creusant, on tombe directement sur la partie minérale ocre du sol. Mais pourquoi donc ? Et cela signifie-t-il que les sols tropicaux sont moins fertiles ? De plus, les signes de vie dans le sol sont ici très limités. En dehors des termites, on ne voit pas grand chose. Pas de vers de terre, quelques insectes en surface mais rien dedans...

En cherchant le pourquoi du comment sur internet, j'ai eu un début d'explication dans une vidéo d'Hervé Coves expliquant la gestion des limaces lors d'un cours de permaculture. Sans vous révéler toute l'histoire, tout est une question de stratégie de digestion des matières organiques du sol :

  • En milieu tropical, la digestion est réalisée par les termites, qui possèdent dans leur système digestif des champignons digérant la lignine (le bois). Les termites s'occupent donc de tout et mettent ensuite directement en circulation dans le sol les éléments minéraux.
  • En milieu tempéré, les champignons réalisent la digestion des matières organiques, en coopération avec de nombreux autres organismes dont les vers et terre et les limaces. Ces dernières interviennent à un stade où les végétaux sont juste au début du pourrissement. Leurs excréments sont très appréciés des vers de terre, qui remettent en circulation les minéraux à travers leurs turricules... contribuant ainsi à l'humus du sol.

 

Effectivement, en y réfléchissant, j'ai rarement vu des gastéropodes lors de mes balades en brousse. A part ce gros escargot à la coquille pointue que l'on voit uniquement pendant l'hivernage. Et peu de vers de terre... surtout dans les sols sableux, où les termites sont absentes... tout concorde !

Bref, assez parlé de mon sol, je vous laisse le soin de regarder cette vidéo en 2 parties d'Hervé Coves, qui explique merveilleusement bien les choses. Hervé Coves est un agronome-permaculteur qui vit dans le Limousin, mais dont je n'avais pas entendu parler jusqu'à présent. Je me demande si mes amis du PNR de Millevaches le connaissent. En tout cas, je recommande à tous de prendre un peu de temps pour écouter l'histoire des limaces, et comprendre comment on peut intelligemment lutter contre leur prolifération dans le jardin. J'ai particulièrement aimé la définition de la zone "51", sorte de zone secrète en marge de la zone 5 (en permaculture, zone de non intervention humaine) qui permet au jardinier de jouer avec ses connaissances pour rétablir un équilibre du système...

Sur ce je vous laisse, et comme dirait Hervé, la vie est belle !

La gestion des limaces selon une vision permacole, par Hervé Coves

Rédigé par Claire

Publié dans #Permaculture

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F
trop top ton article !
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C
Merci Franck ! J'espère que ton projet avance plus vite que le mien... moi j'en suis encore à la phase d'observation, et ça va me prendre un bon moment ! ;-)