Miel de novembre à Tambacounda, un petit comparatif
Publié le 28 Décembre 2014
Ce mois de Novembre fut un bon petit mois apicole pour Kourientine comme pour le Boundou. Bien que la récolte principale dans ma région se fasse en fin de saison sèche (Avril/Mai), il arrive que les apiculteurs puissent récolter un peu de miel en Novembre. Traditionnellement, ce miel récolté juste après l'hivernage est considéré comme un miel de qualité inférieure car il se conserve moins bien. En effet, il est fréquent que ce miel ait un taux d'humidité supérieur, qui le rende sensible à la fermentation si on le conserve dans de mauvaises conditions. Pourtant, il serait bête de s'en passer... car il s'agit d'un miel très rare et précieux : le miel de jujubier.
Il existe plusieurs espèces de jujubiers dans la région de Tambacounda, qui fleurissent entre septembre et octobre, dont les deux principaux sont le jujubier commun (Ziziphus mauritiana) et le jujubier de la hyène (Ziziphus mucronata). Le miel de jujubier, ou miel de Sidr, j'en ai un peu parlé dans mon carnet apicole de septembre. J'en reprends ici ses principales caractéritiques : un miel clair, doux et sucré, reconnu pour ses propriétés médicinales (notamment les troubles gastriques). Son pH est quasi-neutre, ce qui en fait une exception parmi les miel de nectar, au pH toujours très acide (3,5 à 5,5). Lorsqu'il provient des pays de la péninsule arabique, notamment du Yémen, sont taux d'humidité est exceptionnellement bas (14%).
Cependant, les jujubiers ne sont pas les seules espèces mellifères en fleurs après l'hivernage... et pour peu que le miel soit encore plus ancien, on ne peut espérer avoir un miel de jujubier pur. Il est plus raisonnable de penser que le miel de Novembre soit un miel polyfloral, issu du butinage des différentes espèces de jujubiers, du neem, de l'hyptis suaveolens, et j'en passe ! Mais au fond qu'importe, tant qu'il est bon ;-)
Après avoir récolté du miel issu de 6 ruches différentes, je vous propose un petit comparatif qui permettra d'y voir plus clair sur ce miel à la douceur exceptionnelle :
2 ruches situées dans la zone de Gouloumbou :
- 1 ruche de Kourientine, près de mon terrain,
- 1 ruche de Kirili, chez Abdoulaye Sarr,
4 ruches situées dans le rucher de Koussan, dans la RNC du Boundou :
- Ma propre ruche,
- La ruche d'Oumar Sao,
- La ruche de Samba Sao,
- La ruche du Conseil régional de Tambacounda (CRT).
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Discrète, douce |
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Entre doux et caramélisé, puis petite note acidulé |
Entre doux et caramélisé, puis note rafraichissante |
Entre doux et caramélisé | |
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pH initial | 6,5 | 6,5 | 6,5 |
clair | clair | ||
boisée (végétal sec) | fraîche | ||
Doux, sirop de sucre | Caramélisé, puis note rafraichissante | Caramélisé, puis note rafraichissante | |
Propreté | Très propre | Quelques impuretés, microbulles d'air | Impuretés |
Une texture effectivement très liquide, qui laisse présager un taux d'humidité trop élevé qui nuirait à la conservation du miel.
mesuré par réfractomètre est entre 18 et 20,5%, ce qui confirme le fait que le miel de Novembre est légèrement trop humide (la valeur limite pour un miel de bonne qualité est de 18%). Maintenant, comparé aux miels provenant de Kolda ou de Kédougou qui ont fréquemment un taux de 21-22% (tests personnels), ces résultats sont déjà bien meilleurs.
Le miel qui a le taux le plus faible est bien sûr celui issu de ma propre ruche... si si, je vous assure, je suis tout à fait objective, c'est le réfractomètre qui le dit ;-). Une explication est que ma ruche a produit ce miel en à peine quelques semaines au mois de novembre : les apiculteurs de Koussan voulaient récolter ma ruche en mon absence début novembre, et ils ne trouvèrent rien. Quand je vins moi-même faire la récolte à la fin du mois, je pus en tirer 2L de miel ! Comme quoi, les abeilles n'obéissent qu'à leur maître ! Par conséquent, le miel a été produit alors que l'humidité du milieu était déjà faible, et même si le miel n'était pas très bien operculé, il était déjà à un taux acceptable. Le miel de Kourientine est lui aussi de bonne qualité, proche de 18%, et a été produit entre octobre et novembre (ajout d'une hausse en octobre).
Les taux supérieurs à 19% peuvent s'expliquer par le fait qu'une partie du miel a été produite pendant l'hivernage, pas ou peu operculée, au contact de l'humidité ambiante. Par mes propres observations, le taux hygrométrique peut aller jusqu'à 90% en fin d'hivernage près du fleuve Gambie (mesure sur mon terrain). Dingue ! Le miel d'Abdoulaye Sarr est celui qui est le plus humide, et c'est aussi le seul issu d'une ruche placée dans la forêt galerie au bord du fleuve Gambie.
Pour avoir une idée plus précise du pourcentage d'humidité, on utilise un réfractomètre manuel. Une goutte de miel est placée au bout de la platine du prisme de mesure. On rabat ensuite le volet qui permet d'égaliser la goutte de miel à analyser.
Il suffit ensuite de regarder par l'oculaire en visant une source lumineuse. On lit le pourcentage d'humidité directement sur une échelle graduée.
s 100ml d'eau distillée, puis en trempant une bandelette pH dans le mélange obtenu. Ainsi, j'ai pu trouver des valeurs de 5,5 pour le miel d'Abdoulaye Sarr à Kirili (le plus acidulé au goût d'ailleurs), et de 6,5 pour les autres miels. Ces pH sont beaucoup moins acides que celui des miels de nectars classiques. En bouche, je constate que ces miels sont tous doux, on ne ressent pas d'acidité au niveau des gencives (ce qui m'arrive avec le "miel" acheté à Diaobé ou à Oubadji. Je pense que la faible acidité du miel fait qu'il est globalement apprécié par tout le monde, et qu'on le boirait presque à la bouteille !
Les impuretés remontent normalement à la surface et n'altèrent pas la qualité du miel... mais c'est un critère esthétique important aux yeux des consommateurs. Pour cette fois, je suis la seule à blâmer pour les miels pas tout à fait propres... car j'ai un peu précipité la mise en bouteille pour que ma maman puisse ramener du miel en France. Du coup, le miel de Koussan n'a pas eu le temps de décanter suffisamment, mea culpa !
La présence de microbulles d'air est due au tamisage du miel avant la mise en bouteille pour enlever les impurtés résiduelles... là encore, pas esthétique, mais les gouttes finissent par remonter sans dommage.
J'ai remarqué que le miel issu du pressage machine (à Koussan) est plus sale que le même laissé à décanter, ou même celui que j'ai pressé à la main. La preuve en est : le miel du CRT, extrait à la main à Tamba, bien après ceux de Samba et Oumar, est beaucoup plus propre alors qu'il a décanté une semaine de moins.
Ah, enfin la partie la plus amusante... à nos cuillers, on goûte ! Merci à Aurélie pour son aide à la dégustation et à la détermination des arômes ;-)
assez homogènes en termes de couleur et de texture, ce qui laisse penser à une origine florale proche. Le pH quasi-neutre plaide en faveur du miel de jujubier, mais il faudrait faire une analyse en laboratoire pour confirmer cela. Les goûts sont toutefois tous un peu différents... ce qui est surement dû aux autres fleurs butinées en fonction du terroir, mais aussi aux conditions du milieu (miel stocké dans des rayons récents ou anciens) ou de récolte (enfumage intempestif de certains ;-)).
D'après mes observations de butinage, le miel de Kirili doit surement être plus du miel de jujubier de la hyène, alors que les autres seraient plus celui de jujubier commun... une différence de goût existe, mais est trop subtile... en tout cas, je confirme que le miel issu du jujubier de la hyène n'a pas l'amertume trouvé dans les fruits... heureusement !
Le taux d'humidité est globalement supérieur à la moyenne requise. Il est donc conseillé de manger ce miel avant l'hivernage prochain, car il pourrait fermenter avec l'humidité ambiante s'il est mal entreposé. C'est un inconvénient majeur pour la commercialisation, mais je pense qu'en sensibilisant les clients, on peut tout à fait s'en sortir. Je pense aussi qu'il est possible de récolter du miel à 18%, si on prend soin de ne pas prélever de miel non operculé, ni du miel qui a passé l'hivernage dans la ruche. Il y a du potentiel, moi je vous le dis !
Bon allez, c'est pas tout ça, mais j'ai des petits pots de miels à terminer moi...
Je me ferai bien une glace à la banane arrosée de miel...