Enfumer une ruche : la méthode africaine
Publié le 12 Mai 2015
L'enfumage des ruches est l'un des moyens utilisés traditionnellement en Afrique pour attirer les essaims et peupler les ruches naturellement. Le procédé est théoriquement simple : il suffit de brûler certaines essences végétales, connues pour attirer les abeilles, de telle sorte que l'intérieur de la ruche soit imprégné de leurs substances. En pratique, la chose est un peu moins évidente... Quels végétaux utiliser ? séchés ou frais ? En quelle quantité ? Comment les brûler ? En un mot, malgré mes nombreuses recherches, je n'ai trouvé que peu de renseigements sur cette pratique soit disant commune.
Comme mes ruches tardent toujours à être peuplées, et ce malgré ma première tentative d'enfumage à l'enfumoir (voir l'article), j'ai décidé des tester l'enfumage "au trou" sur mes ruches kenyanes. Il s'agit d'une technique dont m'avaient parlé Yves et Pascaline Rondelet, apiculteurs franco-burkinabés vivant entre Chalon-sur-Saône et Bobo Dioulasso. J'ai donc tenté de reproduire ce que j'avais retenu de leurs explications, en composant avec les végétaux que j'avais sous la main.
Comment enfumer une ruche kenyane ?
Creusez un trou dans le sol, faisant le tiers de la longueur de la ruche kenyane. Préparez-y un feu avec :
- de la paille,
- de la bouse de vache séchée,
- des feuilles fraîches de néré (Parkia biglobosa) ou de karité (Vitellaria paradoxa)
- des zestes de citron.
Retournez la ruche sur le trou (attention, il doit y avoir de la fumée mais pas de flamme !)
ETAPE 1 : Creusez un trou dans le sol, idéalement de la taille de la ruche. La kenyane étant très longue, nous avons fait un trou plus petit (1/3 de la ruche) car nous n'aurions pas eu assez de matière à brûler. Mettez au fond un peu de paille et de bouse de vache.
ETAPE 2 : Regrouper les essences végétales choisies pour attirer les abeilles. Ici, nous avons choisi des fruits de Piliostigma séchés, des zestes de citron frais et des fleurs de Cassia sieberiana fraîchement cueillies.
ETAPE 3 : Préparer le feu avec un peu de paille et de la bouse de vache séchée. Nous avons également ajouté des fruits du Piliostigma comme combustible afin que le feu prenne bien.
ETAPE 4 : Ajouter les autres végétaux en "grande quantité" (au pif, on a rempli le trou) sur le feu, afin que ce dernier ne brûle plus mais fume.
ETAPE 5 : Placer la ruche sur le trou, bouchez les trous et recouvrez les bords de terre afin de retenir la fumée au maximum
ETAPE 6 : Attendre aussi longtemps que possible... je n'ai aucune idée de la durée nécessaire, nous avons simplement attendu jusqu'à ce que la fumée et notre patience s'affaiblissent...
ETAPE 7 : Soulevez la ruche (attention c'est chaud !). Avec notre composition florale, le bois était devenu suitant, mais non brûlé.
ETAPE 8 : Passez un coup de balayette sur les bords pour retirer la terre, et hop, la ruche est prête !
En ce qui concerne les espèces végétales connues pour attirer les essaims, j'ai trouvé un article intéressant qui résume bien ce que j'ai pu lire à droite et à gauche : Plantes utilisées pour attirer les essaims de l’abeille domestique (Apis mellifera adansonii Latreille) au Burkina Faso. Il s'agit d'un article publié dans International Journal of Biological and Chemical Sciences, et dont l'un des auteurs est le Professeur Paul SCHWEITZER du Laboratoire CETAM Lorraine, que j'avais rencontré lors de mon année de formation à Vesoul.
Les espèces végétales les plus souvent utilisées sont les suivantes (en rouge celles présentes près de chez moi) :
- Piliostigma reticulatum et thonningii (fruits séchés)
- Combretum glutinosum (tiges feuillées)
- Guiera senegalensis (tiges feuilles)
- Diospyros mespiliformis (jeunes feuilles, fruits secs)
- Hyptis sp. (tiges feuilles)
- Leucas martinicensis (tiges feuillées)
- Ocinum basilicum, le basilic (tiges feuillées)
- Acacia seyal (fruits secs)
- Parkia biglobosa ou Néré (décocté des graines bouillies)
- Cymbopogon sp. ou citronnelle (inflorescences sèches)
- Securidaca longepedonculata (racines)
- Vitellaria paradoxa ou Karité (écorces)
11 espèces sur les 13, je n'ai donc que l'embarras du choix ! Pour ma première expérience, j'ai choisi le fruit séché du Piliostigma, que l'on trouve très facilement et qui est bien sec à cette saison. J'ai également ajouté des fleurs de Cassia sieberiana pour faire plaisir à Mame Mor ;-) Je n'ai pas trouvé de référence concernant le Cassia pour l'enfumage, mais je suppose que de nombreuses fleurs odorantes peuvent attirer les abeilles... Quoi qu'il en soit, j'aurais surement tout le loisir de tester les différentes combinaisons... En voici quelques unes en photo :
1) Piliostigma sp. (Fruits séchés) : une des plantes les plus connues pour attirer les abeilles. Le fruit sent aussi bon qu'un bonbon Haribo, mais la fleur n'est en général pas mellifère.
2) Combretum glutinosum (tiges feuillées) : un arbuste mellifère très apprécié des abeilles pour le nectar et le pollen, très fréquent dans les savanes et jachères.
3) Guiera senegalensis (tiges feuillées) : espèce mellifère au Nord, peu attractif au Sud du pays, souvent associé au Combretum.
4) Diospyros mespiliformis (jeunes feuilles, fruits secs) : arbre très attractif pour son nectar, présent le long du fleuve dans les forêts galeries.
5) Hyptis suaveolens (tiges feuillées) : herbacée très attractive pour son nectar et dont l'odeur forte ressemble à la menthe. En fleur de Septembre à Novembre.
6) Ocinum basilicum (tiges feuillées) : variété africaine du basilic à l'odeur très prononcée ! En fleur pendant l'hivernage.
7) Acacia seyal (fruits secs) : Acacia au tronc blanc ou rouge, fréquent dans les savanes arbustives du Nord du pays, très prisé par les abeilles et les transhumants !
8) Securidaca longepedonculata (racines) : je ne sais pas si cette plante est mellifère, mais ses racines sont connues pour être un répulsif contre les serpents.
Certes, ce n'est pas la meilleure période pour enfumer les ruches, car la période d'essaimage a lieu en fin d'hivernage. Mais avec Moussa, nous nous sommes dit qu'avec les premières pluies, nous pourrions avoir la chance d'attirer des essaims sauvages désertant des troncs d'arbres. Et puis si cela ne suffit pas, nous pourrons tester d'autres méthodes, telles que le badigeonnage à la bouse de vaches ou encore le Chanel n°5... Même si ces deux perspectives me plaisent moyennement !
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