La géobiologie, ou comment trouver l'emplacement de son puits
Publié le 11 Juillet 2015
Depuis maintenant 18 mois que je navigue entre Tamba et mon terrain, l'emplacement du puits est une question centrale, et jusqu'à présent je n'arrivai pas à trancher. Sa position détermine l'emplacement des tous les éléments de mon design permacole, d'où l'impossibilité de réaliser mon design tant que je n'ai pas opté pour un point de puisage. Hors comment déterminer ce point ? Au hasard ? Au plus pratique ?
Certains se demanderont pourquoi je ne choisis pas d'avoir une motopompe dans le fleuve, ou mieux une pompe solaire... à quoi bon habiter au bord du fleuve si c'est pour se créer des problèmes de puits ? Et vu le niveau de l'eau en saison sèche, je ne craindrais pas d'assécher la Gambie... Mais bon, moi, pomper le fleuve, cela ne me plait pas. Pour la qualité de l'eau (n'oublions pas les exploitations aurifères en amont de la Gambie...) et pour pleins de raisons que je n'arrive pas à m'expliquer, je préfère creuser un puits, c'est comme ça.
Ok, mais dans ce cas, où creuser ? Comment fait-on ici en Afrique, pour déterminer les sites des puits et des forages ? Je m'imaginais naïvement que je trouverai un vieux Peul avec un gri-gri local qui pourrait m'aider... mais à chaque fois que je posai la question, personne ne pu m'indiquer quelqu'un. Peut-être parce que ce savoir se perd, ou peut-être parce que personne ici n'imagine qu'une toubab peut croire à ces choses là. D'ailleurs aujourd'hui, les puits sont creusés par l'état, les projets, les ONG... par des entreprises qui viennent "forer", identitifier des sites avec des machines modernes. Mais combien de fois ai-je trouvé des forages abandonnés car ils n'avaient jamais atteint l'eau ? Peu importe, si un forage ne trouve pas l'eau, on recommence à côté, de toute façon c'est l'entreprise qui paie. Quel gâchis...
C'est donc faute d'appui local que j'ai décidé de trouver moi-même mon puits. J'avais déjà un peu entendu parler de la géobiologie, de la recherche de l'eau avec les baguettes de sourcier... mais je ne savais pas si j'allais être capable de détecter l'eau. Je commandai donc mes propres baguettes de détection, que Jean-Marie m'apporta en avril dernier. La saison des pluies arrivant, il fallait faire vite pour identifier le site avant que le sol ne soit gorgé d'eau, afin de déterminer un point de puisage qui serait toujours en eau pendant la saison sèche.
Après quelques jours d'essais à Kourientine, après le plaisir de voir réagir les baguettes dans ses mains, après la surprise de trouver exactement la bonne profondeur du puits du village sous les yeux ébahis du chef Djambala, je décidai de me lancer sur mon terrain. Voici donc le résultat de ma recherche, réalisée avec l'assistance de mon ami Moussa, toujours prêt à apprendre de nouvelles choses ;-)
Le principe de la recherche d'eau : on se concentre, on pense au but de notre recherche, on tient ses baguettes bien droites et on avance...
En fonction de la question que l'on aura posé aux baguettes et de la convention de réaction, elles répondront à l'endroit recherché. Ici, elles se sont croisées à l'aplomp d'une rivière souterraine. Elles peuvent aussi tourner dans le sens du courant si on leur demande. Si c'est pas merveilleux...
Connaissant un peu la zone, j'ai limité mes recherches à 30m de profondeur et j'ai recherché un débit théoriquement idéal pour une petite exploitation agricole (8m3/h).
La délimitation de la zone d'étude
Après avoir bien précisé l'objet de la recherche, il faut ensuite faire le tour de la zone d'étude afin de bien s'imprégner des lieux. Cette phase est primordiale, puisque c'est en marchant le long du site que le sourcier s'imprègne des champs magnétiques créés par les rivières souterraines, et en fait la synthèse inconsciemment. C'est fort n'est-ce pas ?
Un petit passage au coupe-coupe la veille nous a permis de dégager le périmètre pour avancer bien droit sans se prendre les baguettes dans les vieilles tiges toutes séchées d'Hyptis !
La recherche du point de puisage :
Il existe plusieurs méthodes pour arriver au point de puisage. Je vous en explique une, la plus visuelle, mais sachez que la 2e m'a mené au même point !
Il faut donc tout d'abord se placer dans la longueur du terrain, et avancer le long de cet axe en demandant aux baguettes de réagir dès que l'on croise la ligne perpendiculaire au point de puisage. Une fois arrivé à ce point, on se tourne de 90° et on suit la ligne indiquée jusqu'à ce que les baguettes réagissent à nouveau : voilà le point de puisage !
Première méthode : recherche de la ligne perpendiculaire au point de puisage. Arrivé à cette ligne, on la suit jusqu'au croisement des baguettes.
Moussa détermine le point de puisage... et trouve le même point que moi, sans avoir assisté à ma recherche ! (morceau de bois au sol)
La recherche de rivières souterraines
Après avoir trouvé mon point de puisage, j'ai voulu vérifier si ce dernier passait bien par des rivières souterraines, ou si mes baguettes nous avaient "baladé" pendant tout ce temps. Ce qui ne serait pas étonnant pour des débutants comme nous ! J'ai donc repris la recherche en demandant spécifiquement l'emplacement du cours d'eau principal. Et là, bingo, une rivière de plus de 3m de large directement dans l'axe du point trouvé ! J'ai ensuite longé le cours d'eau principal, et demandé le cours d'eau secondaire croisant ce dernier. Là encore, oh miracle, mon point de puisage se situe exactement au croisement de ces rivières souterraines !
Détermination des principales rivières souterraines. Le point de puisage que j'ai trouvé se situe au croisement des deux rivières les plus importantes !
En conclusion...
ous n'imaginez pas à quel point tout cela peut être exaltant : faire réagir les baguettes, se sentir connecté avec l'eau, arriver à dialoguer avec les baguettes en changeant leur réactions en fonction de la question posée... pour un peu on se croirait magicien ! D'ailleurs, le chef Djambala l'a bien dit : "Les baguettes, c'est magique mais c'est la vérité, moi j'y crois !" Et quoi de plus jouissif pour un toubab de montrer ses gris-gris devant des villageois scotchés qui disent derrière vous "Mais en fait, les toubabs, ce sont eux les vrais magiciens, plus que nous..." C'est fou comme petit à petit je monte dans leur estime !
Reste maintenant à savoir si tout cela se confirme : trouverai-je de l'eau au niveau de mon point de puisage ? Oui très probablement, car près du fleuve il faudrait vraiment jouer de mal chance pour ne pas en trouver. La seule façon de vérifier sera de constater la profondeur réelle avec celle que j'ai détectée (21-22m) et le débit demandé. Au pire, il faudra creuser plus bas, la nappe référencée au service de l'hydraulique indique une profondeur de 25 à 30m et le puits du village est à 27m.
Quoi qu'il en soit, j'ai vraiment pris goût à cet exercice et je compte bien poursuivre mon entrainement. Prochaine étape, Moussa trouve le point de puisage de son nouveau périmètre maraîcher, Djambala retrouve l'emplacement de son puits perdu (indiqué jadis par un sourcier peul), et moi je vais voir chez Diapa à Koussan s'il trouvera de l'eau dans son puits qui est toujours à sec à plus de 50m... En tout cas maintenant, mes baguettes ne me quittent plus !
Vue de mon terrain, la zone d'1ha étudiée et l'emplacement du futur puits. Il se situe dans la partie haute du terrain, ce qui m'arrange car l'eau pourra facilement être distribuée dans les différentes zones.
La termitière
Un petit test à faire si vous avez la chance de passer à côté d'une termitière ou d'une fourmilière. Approchez-vous en tenant vos baguettes assez loin du corps, et vous constaterez que les baguettes se mettent à tourner comme un hélicoptère ! Attention, tenez les baguettes un peu décalées pour qu'elles puissent tourner librement, leur réaction n'est pas forcément la même dans chaque main.
Qu'est-ce que cela signifie ? Simplement que les termites aiment construire leur termitière sur des noeuds géomagnétique de forte intensité. Le champ magnétique est tel que les baguettes tournent sur elles-mêmes. Bon à savoir, car moi qui ait de grandes termitières sur mon terrain, elles matérialisent les zones de forte perturbation magnétique et sont donc à éviter pour toute construction. Pas la peine d'aller raser une termitière pour construire la maison ! Par contre, trouver un endroit sain pour la maison s'avère plus compliqué que prévu vu la densité de termitière... mais cela fera l'objet d'une autre étude, on a assez travaillé pour aujourd'hui !
A l'approche d'une termitière, les baguettes s'affolent et font "l'hélicoptère". La baguette droite de Moussa tourne tellement vite qu'on ne la voit pas sur la photo !
"Cache-cache tortue"
Allez, un petit jeu sympa pour finir. Pendant que nous faisions notre recherche du puits, Moussa avait trouvé un petite tortue à moitié enterrée. Me souvenant que les baguettes pouvaient également "trouver" les objets perdus, je proposai à Moussa d'essayer de cacher la tortue et de la retrouver avec les baguettes. Je passai les baguettes au-dessus de la tortue en leur demandant de réagir en la présence de la tortue : elles se croisèrent ! Nous laissâmes la tortue une petite dizaine de minutes, le temps qu'elle se cache toute seule et qu'aucun de nous ne sache où elle se trouve (oui, une tortue s'est très doué pour ça, j'ai bien connu la chose...).
De retour au point de départ, la tortue n'était effectivement plus là. Moussa demanda alors aux baguettes d'indiquer la direction de la tortue pendant qu'il avançait : elles tournèrent dans le même sens en indiquant un Piliostigma voisin. En arrivant au niveau de l'arbuste, les baguettes se croisèrent mais pas de trace de la tortue... à moins que... eh oui, sous les feuilles, elle était bien là ! Incroyable... Je crois qu'il y a un filon là, je vais proposer de remplacer les antennes télémétriques pour le suivi écologique des tortues du Ferlo par des baguettes ROD : pas d'émetteur à coller sur les animaux, pas de batterie à changer, pas de matériel lourd à porter... de quoi mettre Abou au chômage technique !
Si certains d'entre vous veulent aller plus loin pour comprendre la géobiologie et la pratiquer, je vous recommande le site Conscience Verte, et notamment le guide du chercheur d'eau qui est très bien fait et qui m'a permis d'apprendre rapidement à détecter l'eau. On peut également trouver tout le matériel nécessaire dans la boutique. Je suis d'ailleurs très contente des baguettes de détection (ROD standard) et du lobe antenne Hartmann.
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Le guide du chercheur d'eau Le guide du chercheur d'eau Thierry Gautier - Editions Guy Trédaniel 140 pages - plus de 170 illustrations Prochaine expédition des commandes : 17 juillet 2015 à 9H00...
http://www.conscienceverte.fr/le-guide-du-chercheur-d-eau-6-57.html