Formation apicole à Kédougou (3)

Publié le 14 Mai 2017

Formation apicole à Kédougou (3)

Après un détour de quelques jours à Saint-Louis pour un séminaire d'écologie avec l'équipe de la RNC du Boundou, je traversai le Sénégal en diagonal d'Ouest en Est pour rejoindre Kédougou, à plus de 900km de là. Beaucoup de kilomètres en peu de temps et quelques degrés de différence... de 20°C sur la côte à 45°C à Tamba et Kédougou... le choc fut rude ! Mais heureusement, les premières pluies de la saison me sauvèrent de l'asphyxie. Tout juste de quoi rafraîchir l'atmosphère et nous donner du courage pour affronter les dernières semaines de chaleur.

Cette troisième et avant-dernière session de formation en apiculture ISETA-3FPT était la plus attendue par les étudiants, puisqu'il s'agissait de la récolte du miel. Une épreuve surement digne des initiations Bassaris, grande fête de cette ethnie minoritaire du Sénégal qui était justement organisée à ce moment-là. Bien sûr, nous ne pouvions pas pratiquer sur nos ruches installées le mois dernier (bien qu'une première ruche ait été peuplée en moins de 15 jours !), mais sur les ruches de Victorin, qui en avait gardé de côté spécialement pour initier nos étudiant à la récolte.

Pour cela, j'avais préalablement constitué 3 groupes de 9 étudiants afin de pratiquer plus facilement 3 soirs d'affilés. L'organisation n'en aura pas été moins complexe, le rucher de Victorin étant situé, rappelez-vous, à 5 km de Kédougou de l'autre côté du fleuve... Nous devions donc nous entasser à 13 personnes dans le 4x4 que nous avait très gentiment prêter le directeur M. Guiro, en attachant le matériel sur le toit et en recherchant une voie de passage dans les champs pour éviter les zones rocheuses.

Heureusement, les pluies dont je vous ai parlé ne nous trouvèrent pas en brousse, et nous pûmes récolter les 3 soirs comme prévus. Au total, nous ouvrîmes 11 ruches et récoltâmes 7 seaux de rayons de miel ! Une petite récolte, mais bien suffisante pour débuter, car pour la majorité des étudiants, il s'agissait de leur tout premier contact avec les abeilles.

Premier épreuve, l'allumage de l'enfumoir. Là je m'incline, les sénégalais sont beaucoup plus doués que les toubabs pour allumer un feu !

Premier épreuve, l'allumage de l'enfumoir. Là je m'incline, les sénégalais sont beaucoup plus doués que les toubabs pour allumer un feu !

Session d'habillage... ou comment apprendre à mettre sa combinaison à l'endroit ;-)
Session d'habillage... ou comment apprendre à mettre sa combinaison à l'endroit ;-)
Session d'habillage... ou comment apprendre à mettre sa combinaison à l'endroit ;-)
Session d'habillage... ou comment apprendre à mettre sa combinaison à l'endroit ;-)

Session d'habillage... ou comment apprendre à mettre sa combinaison à l'endroit ;-)

Une fois sur place, après quelques rappels sur la technique de récolte et l'allumage de l'enfumoir, nous patientâmes jusqu'à la tombée de la nuit pour enfiler les combinaisons. Car oui, au Sénégal, devant l'agressivité des abeilles, nous ne récoltons que la nuit. D'ailleurs, les abeilles de la première ruche ouverte au crépuscule ne manquèrent pas d'aller saluer notre chauffeur et quelques étudiants sans combinaisons à quelques dizaines de mètres de là !

Comme lors de notre exercice de simulation de la session précédente, les étudiants passèrent par groupe de 3 par ruche afin de tous manipuler un outil. 1 au lève-cadre, 1 à l'enfumoir et à la torche, et 1 à la brosse et au seau de récolte. J'avoue que cette configuration marche bien, et que l'exercice de simulation aide beaucoup. L'ordre des actions était bien maîtrisé et les gestes effectués avec application malgré quelques petites hésitations.

Bien sûr, certains gestes sont difficiles à réaliser du premier coup, notamment le secouage du rayon pour faire tomber les abeilles avant le brossage. Car il s'agit de secouer le rayon d'un coup sec mais pas trop brutalement afin de ne pas casser le rayon... je me rappelle avoir moi-même mis du temps à réussir ce geste hautement technique ;-) Le brossage aussi est une étape délicate, où l'on a tendance à être trop mou et pas assez rapide... de telle sorte que les abeilles s'énervent et reviennent sur le rayon. Là encore, c'est un coup à prendre !

Après avoir ouvert le toit, il faut décoller les barrettes unes à unes à l'aide du lève-cadre...

Après avoir ouvert le toit, il faut décoller les barrettes unes à unes à l'aide du lève-cadre...

Puis soulever le rayon en essayant de ne pas le casser... ce qui n'est pas toujours aisé !

Puis soulever le rayon en essayant de ne pas le casser... ce qui n'est pas toujours aisé !

Lorsque les rayons contiennent du miel, il faut les transvaser dans le seau, après en avoir balayé les abeilles.

Lorsque les rayons contiennent du miel, il faut les transvaser dans le seau, après en avoir balayé les abeilles.

Et ainsi de suite jusqu'aux rayons contenant du couvain (alvéoles avec l'opercule marron)

Et ainsi de suite jusqu'aux rayons contenant du couvain (alvéoles avec l'opercule marron)

On remet ensuite les barrettes dans l'ordre

On remet ensuite les barrettes dans l'ordre

Et petit coup d'enfumoir pour repousser les abeilles avant de remettre le toit.

Et petit coup d'enfumoir pour repousser les abeilles avant de remettre le toit.

Et les abeilles dans tout ça me direz-vous ? Ah, nous avons eu de la chance, la plupart des ruches ouvertes cette semaine furent d'une douceur inattendue. Surement du fait que les colonies conservaient peu de miel en cette fin de saison. Mais ce n'était pas plus mal pour une première fois. Certains étudiants tout étonnés me disaient même : "Mais Madame, ce n'est pas difficile en fait ?".

Bon, j'eus aussi droit à quelques "Mais Madame, les abeilles elles me piquent !"... Piqûres principalement dues au fait que certains n'avaient pas écouté mes consignes et n'avaient pas mis de vêtements suffisamment épais sous la combinaison... ah, comme dirais mon mari, "c'est une leçon !". Heureusement, nous eûmes tout de même une vraie bonne grosse ruche africaine, bien vive et piquante, juste de quoi corser un peu les choses. Le groupe assuma courageusement la récolte malgré les piqûres... et malgré la fuite de l'un d'entre eux, dont je tairais le nom par soucis de discrétion !

Victorin suivait bien sûr le travail des étudiants de près tout en donnant des conseils et des coups de coupe-coupe pour détacher les rayons collés. Il avait surtout ses chouchoutes dans le groupe, car il trouvait les filles "formidables". Il ponctuait leurs interventions de petits encouragements du type "Voilà, c'est bien ma fille !", auxquels ces dernières répondait par un poli "Merci tonton" tout en souriant. Après la récolte Victorin me confia "Non, mais nos filles, elles sont braves ! Elles ont travaillé sans voir les piqûres !" Comme quoi, l'apiculture n'est plus seulement une affaire d'homme...

En tout cas, l'ambiance fut bonne du début à la fin, à la sénégalaise, et je peux dire que je suis fière de la prestation de mes étudiants, toujours aussi dynamiques et motivés. J'aurais aussi réussi à les faire rire à la fin, lorsque que l'un deux se mit à ouvrir un seau rempli d'abeilles au milieu de ceux qui avaient retiré leur combinaison, et que je m'écriai "Oh là, pas ici Malheureux !!!". Je crois que cette expression restera culte pour eux, et le Malheureux en question fut bien chahuté par la suite... Ah ces sénégalais, qu'est-ce qu'ils aiment taquiner !

Après la récolte, Victorin permis aux étudiants de grignoter un petit morceau de miel en récompense de leurs efforts

Après la récolte, Victorin permis aux étudiants de grignoter un petit morceau de miel en récompense de leurs efforts

Le lendemain, nous avions rendez-vous échez Victorin pour la séance d'extraction du miel. L'épreuve fut là encore de s'entasser à plus de 10 dans la petite miellerie exigüe et encombrée de Victorin... ce qui eut au moins l'avantage de montrer aux étudiants un exemple de miellerie désordonnée. Heureusement, les abeilles nous laissèrent tranquille et nous pûmes travailler à peu près correctement. La matinée était donc consacrée au nettoyage du matériel, au nettoyage et triage des rayons de miel, et enfin au pressage des rayons.

Séance de nettoyage, lavage et séchage.

Séance de nettoyage, lavage et séchage.

Puis libération des dernières abeilles prisonnières des seaux de récoltes

Puis libération des dernières abeilles prisonnières des seaux de récoltes

Installation de la presse à cric.

Installation de la presse à cric.

Les rayons de miel sont nettoyés et concassés...

Les rayons de miel sont nettoyés et concassés...

...avant d'être déposés dans le tamis de la presse.

...avant d'être déposés dans le tamis de la presse.

Quelques coups de cric plus tard, le miel coule au fond de la presse...

Quelques coups de cric plus tard, le miel coule au fond de la presse...

...Puis passe dans le tamis et est finalement collecté dans un seau.

...Puis passe dans le tamis et est finalement collecté dans un seau.

La dernière épreuve fut de procéder à l'extraction de la cire. Ayant déjà repéré une vieille ruche Vautier en ciment inutilisée chez Victorin, j'avais eu l'idée de la reconvertir en cérificateur solaire. Une plaque de tôle et une vitre épaisse, et hop, le tour est joué ! Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de voir la cire fondre... et j'attends avec impatience le retour de Victorin sur son utilisation...

Nous testâmes également l'extraction de cire à la marmite, manière traditionnelle et plus rapide. Les étudiants furent vraiment impressionnés par la qualité de la cire obtenue et ne tardèrent pas à me bombarder de questions sur l'utilité de la cire... Patience jeunes Padawans, vous le saurez la semaine prochaine !

Premier essai de recyclage d'une ruche Vautier en cérificateur solaire

Premier essai de recyclage d'une ruche Vautier en cérificateur solaire

Une tôle en zinc est placée penchée dans la ruche et calée à l'aide de cailloux. Un plat à gratin recyclé est placé au bout de la tôle.

Une tôle en zinc est placée penchée dans la ruche et calée à l'aide de cailloux. Un plat à gratin recyclé est placé au bout de la tôle.

Une vitre de 5mm d'épaisseur est placée par-dessus, et des petits morceaux de mousse sont insérés dans les trous pour rendre la ruche complètement hermétique.

Une vitre de 5mm d'épaisseur est placée par-dessus, et des petits morceaux de mousse sont insérés dans les trous pour rendre la ruche complètement hermétique.

Si dans l'ensemble la semaine fut une réussite, il y eut toutefois une petite ombre au tableau. Car sur un rayon de couvain cassé que nous avions ramené à la miellerie, nous trouvâmes... des VARROAS !!!! J'avoue que je pensais que ce parasite acarien, terreur des apiculteurs presque partout dans le monde, était absent de la région. Je n'en avais même encore jamais vu au Sénégal. Mais voilà que je le trouve au fin fond de Kédougou. Un mythe s'écroule... Nous avons déjà beaucoup de problèmes à gérer les petits et grands coléoptères, alors si l'on rajoute le varroa...

Mais ne paniquons pas tout de suite pour autant, car d'une part ils n'ont été vu qu'en très petite quantité, et d'autre part les abeilles africaines sont connues pour résister relativement bien à leurs attaques. En effet, les abeilles africaines ont une tendance naturelle à s'épouiller, et donc à se débarrasser plus facilement de ces sortes de tiques. De plus, les abeilles africaines sont promptes à la désertion des ruches lorsqu'un problème important survient. Le varroa ne pouvant vivre que dans les alvéoles de couvain (les jeunes varroas se nourrissent du "sang" des larves), le départ de la colonie provoque donc la mort des varroas restants. Cependant, quelques adultes accrochés sur les abeilles adultes peuvent reconstituer une population dans la future colonie... Restons donc vigilants !

Formation apicole à Kédougou (3)
Varroa femelle sur un rayon de couvain.

Varroa femelle sur un rayon de couvain.

Rédigé par Claire

Publié dans #Apiculture

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