Mon jardin, Saison sèche 2017
Publié le 26 Juin 2017
Alors que l’hivernage s’installe doucement au village, j’ai pensé qu’un petit résumé de mes expériences d’apprentie jardinière vous changerait de mes articles apicoles. Je profite donc du dernier jour de jeûne du Ramadan pour faire le tri de mes photos et vous racontez mes exploits.
Revenons donc quelques mois plus tôt…
Avant même de m’installer complètement à Kourientine, j’avais commencé à planter quelques arbres en fin d’hivernage 2016, malgré l’absence de clôture étanche et l’armée de poules bien décidée à venir s’emparer de mon territoire. Qu’importe les difficultés, j’étais trop impatience de semer toutes les petites graines que j’avais accumulées depuis des mois voire des années. Dès la fin de l’hivernage, j’ai donc entrepris de faire une pépinière de plantes potagères. Sauf que… la plupart des graines étaient malheureusement trop vieilles et peu de variétés réussirent à lever.
Pour le jardin, l’idée était de me servir des emplacements sous les papayers et les moringas semés pendant l’hivernage, afin de minimiser les sites d’arrosage et de profiter de l’ombre des jeunes arbres. J’ai donc créé autour de chaque papayer des espèces de cuvettes en forme de camembert de Trivial Poursuit (ne me demandez pas pourquoi, l’idée m’en venue sur le tas), permettant de mieux conserver l’eau d’arrosage. En effet, en saison sèche, la terre devient tellement dure et tassée que l’eau a du mal à la pénétrer, et que sans moyen de rétention, elle s’écoule très loin de ce que l’on veut arroser !
Janvier
Les premières graines qui levèrent furent les salades, en seulement 2 jours. Et plus précisément la Batavia Goutte de sang (Semence Biaugerme). Les femmes du village avaient déjà testé cette variété l’année dernière avec de très bons résultats : des salades énormes, légèrement teintées de rouge (hum, des anti-oxydants !) et au goût très doux apprécié de tous. En plus avec une très bonne résistance à la chaleur et à la sécheresse. J’avais réussi à garder quelques graines des salades qui avaient monté et mes semis provenaient donc de cette 2e génération.
Cette fois-ci, la taille des salades fut moins impressionnante mais la quantité compensa rapidement ce point faible (surement dû au manque de fertilité de mon sol). Nous eûmes pendant les 2 mois de visite de maman et Pierre de quoi rassasier quotidiennement 3 toubabs à tendance crudivore. Mission accomplie !
Batavia variété “Goutte de sang”. En grandissant, les feuilles prennent une teinte rouge à leur extrémité.
Janvier fut également le mois le plus productif pour les piments de Moussa. Variété Goana largement diffusée localement et très appréciée par les consommateurs sénégalais. Moussa avait voulu tester la culture du piment dans le jardin des femmes, délaissé pendant l’hivernage. Il avait réussi à entretenir 30 pieds qui commencèrent à donner juste au moment où il dut partir travailler au campement de Gouloumbou pour la saison sèche. Du coup, qui est-ce que s’est retrouvée avec 30 pieds piments à arroser tous les jours, à raison de 4L d’eau par jour et par pied (je vous laisse faire le calcul…) ??? C’est bibi ! Enfin j’exagère, j’étais grandement aidée par les fils de Moussa. Par contre, j’étais bien responsable de la récolte des piments, que j’emmenai chaque semaine au marché de Tamba, où j’avais trouvé une marchande de légumes qui me rachetait toute la production. J’avoue que transporter mon petit panier en mini-bus pour aller au marché, au même titre que les peuls qui allaient vendre leurs chèvres, ou les femmes qui faisaient du commerce transfrontalier, était assez amusant. En 2 mois, les piments nous rapportèrent 60€. OK, c’est un début mais peut mieux faire !
Récolte de piments dits “Goana”, Variété diffuse au Sénégal lors de la « Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance » du temps du Président Wade… Vous allez dire qu’on ne se goinfre pas vraiment avec les piments, mais les Sénégalais en consomment de plus en plus. Avec tout le riz qu’ils mangent, ils ont bien besoin d’un petit nettoyage intestinal !
Février
Après de multiples essais infructueux en pépinière, je décidai d’acheter des semences sélectionnées sénégalaise, de chou, oignon, diakhatou (aubergine amère) et persil. Le chou marcha remarquablement bien, à tel point que j’étais bonne pour en mettre à chaque recoin libre du jardin… augmentant d’autant plus ma charge d’arrosage quotidienne.
C’est à ce moment-là que les tomates commencèrent à donner. Je testai plusieurs variétés de semences bio de chez Biaugerme, dont la « merveille des marchés » et la « brin de muguet ». Les Brins de muguet donnèrent de nombreuses tomates en grappe qui résistèrent bien à la chaleur, contrairement à l’autre variété. Malheureusement, les pieds de tomates jaunirent très vite et les fruits ne furent pas aussi savoureux que je l’imaginais, bien qu’ils aient fort bien accompagné mes salades.
A la place des batavias que je coupais au fur et à mesure de notre consommation, je laissai se développer une mauvaise herbe locale nommée « pourpier », qui est en réalité une plante comestible dont les feuilles se consomment crues dans les salades. Le pourpier est une plante qui résiste très bien à la chaleur, et il se développa rapidement un peu partout dans le jardin. Les feuilles sont un peu amères au début mais on s’y habitue très vite, surtout quand on sait qu’elles sont extrêmement riches en Oméga 3.
Mars
Alors que la chaleur commençait à s’installer, les choux en étaient à former leur pomme. Un peu tard malheureusement, car la piéride du chou ne tarda pas à les infester. Je dus me résoudre à les couper rapidement sous peine de perdre toute ma production. La plupart des choux n’avaient pas pommé, et je récoltai des bassines de feuilles que je donnai aux femmes pour leur sauce « feuilles » du couscous. Quant à moi, je gardai précieusement les petits choux pommés pour ma consommation quotidienne : coupés en 4 et cuits au four solaire, sur un lit de patates douces et d’oignons… Hum !
Et après...
Une fois les choux récoltés, il ne me resta pas grand chose. La chaleur extrême, la sécheresse, l’absence d’ombre dans le jardin, firent qu’il était impossible de planter quoi que ce soit. Même les papayers et les moringas souffrirent et développèrent des maladies provoquant le jaunissement et la perte des feuilles. Seule la menthe résista grâce à l’arrosage… et elle est aujourd’hui plus belle qu’elle n’a jamais été ! Une autre surprise fut le développement d’arachides là où j’avais jeté des veilles graines que je trouvais moisies. Il faut donc croire qu’elles ne l’étaient pas ! En tout cas, je pense que cette année je serai la première femme du village à récolter des arachides !
La menthe Nana, que les rats désespérés par la saison sèche s’étaient résignés à la croquer toutes les nuits !
En conclusion
Ce jardin, qui était pour moi une première expérience, a été très instructif, même s’il m’aura demandé un travail fou pour un rendement très minime. Je vous ai ici décrit les succès relatifs, mais je vous ai épargné le reste : courgettes de la taille des cornichons, oignons stagnant au stade ciboulette, melons au goût insipide, gingembre pas plus gros 6 mois après leur repiquage, aubergines aux feuilles trouées…
Le problème principal fut l’arrosage, car je devais aller au puits du village pour remplir des bidons de 20L et les ramener à la maison en brouette pour ensuite remplir des bassines qui me serviraient à remplir l’arrosoir... Un travail très lourd de 4h par jour puisqu’au plus fort de la saison je devais puiser plus de 30 bidons quotidiens pour couvrir tous mes besoins. J’avais donc très largement sous-estimé le temps de travail et les efforts nécessaires. Bien sûr, les enfants et les femmes de Moussa m’aidaient parfois, mais je culpabilisais aussi de leur donner tout ce travail. Il faudra donc à l’avenir que je limite mon jardin au minimum, en tout cas tant que je ne dispose pas d’une pompe à eau personnelle.
Un autre enjeu important est bien sûr la fertilité du sol. Mon terrain au village se situe sur un ancien champ et n’est plus productif. J’ai bien tenté de faire du compost, mais l’échec fut cuisant. Le paillage aida beaucoup à maintenir l’humidité du sol, mais l’humidité était trop faible pour décomposer le paillage et nourrir les plantes. Il faudra donc que je me concentre l’année prochaine pour trouver des solutions… ce qui ne sera possible que si je ne passe pas tout mon temps à arroser…
Enfin, J’ai eu beaucoup de parasites, insectes, maladies… surement le reflet de carences du sol et de mauvais agencement du jardin. Comme j’ai persisté à ne pas vouloir traiter chimiquement, et que je n’étais pas au point sur les traitements bio, je me suis résignée à laisser mes plantes se débrouiller toutes seules et j’en ai ainsi perdu beaucoup.
Pour l’avenir, j’ai dans l’idée de mieux valoriser les plantes locales comestibles au fur et à mesure que je les découvre, car elles demandent évidemment très peu de soins comparés aux plantes maraichères européennes. Le pourpier est un exemple, mais il y en a tant d’autres… la seule limite est de connaître la manière de les consommer, et cela même les villageois ne le savent pas toujours. Le chef du village était très surpris de me voir croquer dans une feuille de pourpier crue, mais tout le monde s’y est mis, même les enfants de Moussa ! Ah… il reste tant à apprendre… autant pour moi que pour eux !