La culture d’Artemisia annua : la récolte (3)
Publié le 26 Mars 2018
Dans le dernier article consacré au repiquage (lien article), j’y ai décrit mes premières expériences de culture de l’Artemisia. Malgré les difficultés, j’ai tout de même pu récolter de belles feuilles, que j’ai fait sécher en prévision du traitement anti-paludéen. Je vous explique donc dans ce nouvel article comment récolter les feuilles et comment les préparer afin d’obtenir une poudre de bonne qualité. Cette partie est bien plus simple que les précédentes, même s’il faut bien sûr respecter quelques règles de base que voici :
1) La période de récolte
Rappelez-vous, dans l’article précédent je vous expliquais la difficulté de cultiver l’Artemisia pour qu’elle produise une quantité de feuilles importantes. Le point critique étant le moment où la plante déclenche le processus de floraison, qui conduit à une réduction puis à une perte de feuilles, et donc une diminution drastique des quantités de feuilles récoltées. Si en plus vous arrosez constamment vos plantes en saison sèche, il serait dommage de voir tous vos efforts réduits à néants. Vous avez donc deux solutions, et le choix entre ses deux méthodes de récole dépendra du développement de vos Artemisia, des conditions climatiques et de vos préférences personnelles.
- La récolte des feuilles peut s’effectuer à n’importe quel moment de l’année sur des plants suffisamment grands. Dans ce cas, il est conseillé de tailler quelques branches (environ 1/3 de la plante) et de laisser la plante continuer de grandir. On peut ainsi récolte plusieurs fois avant que l’Artemisia fleurisse et perde ses feuilles. Les quantités récoltées ne sont pas très grandes, mais les feuilles sont belles, grandes et bien vertes, et si vous êtes limités en termes de séchage, cela peut s’avérer pratique.
- Une autre manière de procéder est d’attendre le moment où la plante débute le processus de floraison, c’est-à-dire dès que les premiers bourgeons floraux apparaissent sur quelques branches. C’est à ce moment précis que les feuilles contiennent le taux d’Artemisine (la molécule active) le plus élevé. Mais attention, il ne faut pas tarder car la plante perd alors ses feuilles en quelques jours et la quantité récolté est alors très réduite ! Vous aurez alors beaucoup de feuilles à faire sécher et vous devez avoir suffisamment de place pour les traiter d’un seul coup. Il faudra aussi veiller à bien trier les feuilles, car à ce moment-là de son développement, la plante aura surement quelques vieilles feuilles jaunes ou sèches à éliminer.
2) Le choix des feuilles
Quel que soit la période de récolte, vous devrez être très soigneux lors de la récolte en choisissant les meilleures feuilles, celles qui sont bien vertes, sans tâche ni décoloration. Eliminez les feuilles déjà sèches et les vieilles feuilles jaunies qui se trouvent souvent au pied de la plante et près de la branche principale. Par contre vous pouvez garder les bourgeons floraux également riches en artémisine.
3) La récolte
La méthode de récolte est très simple : il suffit de détacher les feuilles de chaque tige en tirant doucement le pétiole (la petite tige à la base de la feuille) vers le bas. Vous pouvez aussi choisir de récolter les petites tiges entières (plus rapide et plus simple à faire sécher) de la même manière, en la tirant doucement vers le bas. Un petit fil de la tige principale viendra avec, ainsi que la dernière feuille à la base de celle-ci.
4) Le lavage
Cette étape n’est pas systématique. Je pense qu’elle n’est nécessaire que si vous vous trouver dans une région sèche et poussiéreuse comme la mienne. A l’heure actuelle, l’harmatan souffle déjà très fort, et mes feuilles sont couvertes de poussière. Un très léger passage dans une bassine d’eau leur redonne leur jolie couleur verte. Mais attention à ne pas laisser les feuilles tremper dans l’eau au risque perdre une partie des principes actifs. Une fois le lavage effectué, il suffit de faire égoutter les feuilles quelques minutes avant de les faire sécher, soit dans un égouttoir soit sur un torchon.
5) Le séchage
Nous en venons à une étape très importante, car la qualité du produit dépendra de la qualité du séchage. Quel que soit la méthode, il faut respecter les points suivants :
- Sécher à l’abris de la lumière directe (donc pas en plein soleil)
- Sécher à une température inférieure à 40°C
- Sécher à l’abris de la poussière
- Placer les feuilles de sorte qu’elle ne se chevauchent pas afin que le séchage soit homogène
- Sécher suffisamment longtemps, c’est-à-dire jusqu’à ce que les feuilles soient complètement friables (cela prend quelques jours, selon le climat).
J’ai testé deux méthodes de séchage qui m’ont données satisfaction :
- Le séchoir solaire (modèle ULOG) : il s’agit d’une petite machine en bois munie d’une grande vitre qui réchauffe l’air grâce à la chaleur du soleil. L’air réchauffé traverse des claies de séchage sur lesquels sont placées les feuilles. Le séchoir est donc mis en plein soleil, mais les feuilles elles sont bien à l’ombre, protégées par un toit (et un tissu contre la poussière). La place y est réduite mais le séchage est très rapide. Il s’agit d’une méthode très efficace pour les petites quantités. Si vous habitez une région très chaude et sèche, vous aurez peut-être à placer votre séchoir à l’ombre afin de ne pas trop échauffer vos feuilles.
- La moustiquaire sous le plafond : technique toute bête, il suffit de tendre une moustiquaire sur des fils au plafond et d’étaler le matériel végétal. Dans ce cas vous disposez d’une large surface de séchage, et il est très pratique d’y étaler les branches dans leur intégralité. Vous devez cependant vous assurer que l’air circule convenablement dans la pièce, qu’il n’y a pas de poussière qui tombe du plafond ni d’animaux susceptibles de contaminer votre matériel végétal (souris, lézards…). La méthode est aussi très efficace pour moi en saison sèche et aussi rapide que le séchoir solaire. Mais peut-être moins pendant la saison des pluies… à tester !
Quel que soit la méthode, un petit point pratique concernant la toile de séchage : les feuilles d’Artemisia ont tendance à se recroqueviller en séchant, et donc à s’accrocher à la toile moustiquaire ou au grillage de la claie de séchage. Si on ne manipule pas avec précaution au moment du ramassage des feuilles sèches, on risque de perdre une grande partie des miettes de feuilles qui passeront au travers des toiles. Une solution peut être d’utiliser une toile de coton très fine à la place de la moustiquaire. Moi j’ai préféré faire sécher les feuilles avec les tiges et ramasser les tiges individuellement. A chacun de voir ce qu’il préfère !
Séchoir solaire ULOG fabriqué localement. Les claies de séchage sont superposées sous le tissu (protégeant de la poussière).
6) La transformation
Lorsque les feuilles sont bien séchées, elles sont très fragiles et se cassent facilement. Si les petites brindilles se rompent facilement, c’est que le degré d’humidité est assez faible. Vous pouvez alors stocker vos feuilles telles quelles ou bien les réduire en poudre. Personnellement je préfère les réduire en poudre car il sera ensuite beaucoup plus simple de doser les tisanes en utilisant une cuiller doseuse plutôt qu’en pesant les feuilles.
Pour les réduire en poudre, je collecte toutes les feuilles dans une grande bassine, je retire tout d’abord les grosses tiges, puis je froisse les feuilles entre mes doigts. L’effet est immédiat, même pas besoin de mortier ! Il suffit ensuite de tamiser le mélange et vous obtiendrez une poudre grossière avec des petits morceaux de brindilles. Selon moi, ce calibre est suffisant pour notre utilisation en tisane. Le tamis final que j’utilise à des mailles d’1mm.
7) La conservation
Une fois votre poudre obtenue, vous devez la stocker dans un récipient hermétique, afin qu’elle ne se réhydrate pas. Plus votre poudre sera sèche et plus vous pourrez la conserver longtemps. Je dispose d’un petit Hygromètre très pratique (commandé en plus de mon kit Artemisia chez Anamed). Vous le placer dans le récipient avec votre poudre, vous fermez bien le tout et vous revenez une heure plus tard. L’hygromètre vous indiquera le taux d’humidité, et vous pourrez en déduire la durée de conservation de votre produit. Ayez en tête qu’il faut obtenir une hygrométrie de 50%, ce qui vous permettra de conserver votre produit pendant 1 an.
voici la correspondance entre le pourcentage lu sur l’hygromètre et la durée de conservation :
Hygrométrie | Durée de conservation |
---|---|
30% | 5 ans |
40% | 3 ans |
50% | 1 an |
60% | 3 mois |
70% | 1 semaine |
Enfin, il faudra conserver votre récipient dans un endroit relativement frais et sec, à l’abris de la lumière.
Pour cette première expérience, j’ai obtenu 96g de poudre à partir d’une seule grande plante d’Artemisia (1,8m de haut). Cela correspond à 2,5 traitements antipaludéens pour adulte (35g de poudre pour 1 semaine de traitement par adulte). Selon la taille de votre famille, vous pouvez donc avoir une idée du nombre de plante qu’il vous faut cultiver.
Vous êtes maintenant fins prêts pour traiter le paludisme de manière naturelle. mais cela je vous l’expliquerai dans un prochain article… quand les moustiques reviendront avec les pluies ! En attendant il faut continuer de supporter les 45°C pendant encore quelques mois…
A bientôt !
Mon hygromètre indique un pourcentage de 50%, ce qui est tout à fait correct. A poudre peut donc se conserver 1 an sans problème
Si vous aussi vous cultivez l’Artemisia et que vous avez des conseils concernant le séchage et la conservation, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaire ci-dessous !