La culture d’Artemisia annua : le repiquage (2)
Publié le 13 Mars 2018
Voilà quelques temps, je vous avais laissé avec ma pépinière d’Artemisia annua de la variété A3-Anamed (lien article pépinière). Semés au mois de juillet, les premiers plants furent mis en terre en septembre. En tout, c’est une trentaine de jeunes plants que je repiquai au cours des semaines qui suivirent. Aujourd’hui, 6 mois plus tard, je peux enfin vous faire une petite synthèse de cette première expérience de culture de l’Artemisia, qui s’est avérée assez délicate à gérer dans mon contexte environnemental.
Les exigences de culture
Tout d’abord, je récapitule les exigences de l’Artemisia annua A3, qui est pour rappel un hybride adapté à la culture en milieu tropical proposé par l’association ANAMED (lien). L’Artemisia a donc besoin :
- D’une terre LEGERE
- D’une terre RICHE EN AZOTE
- D’une terre TOUJOURS HUMIDE (le moindre stress hydrique conduit inexorablement à la floraison précoce de la plante)
- De LUMIERE et de CHALEUR (autour de 30°C pas plus)
On peut résumer en disant que l’Artemisia est une plante de décharge qui se développe bien sur un sol bien aéré, riche et humide. Bien qu’elle apprécie la chaleur, il est conseillé de la protéger du soleil direct en cas de très forte chaleur, libre à nous de tester différents emplacements pour trouver le bon. Il est aussi conseillé de creuser un grand trou (70x70x70cm) pour aérer le sol, de lui apporter du fumier ou du compost au moment du repiquage, ou bien de faire des culture associées (avec des légumineuses, arachides…).
Plants d’Artemisia à différents stades de développement dans un petit coin de mon jardin, entre les patates douces et les salades.
Mes cultures en pleine terre
Fort de ces recommandations… je n’ai rien fait du tout ! J’étais un peu débordée au moment du repiquage, je n’avais pas beaucoup de place à l’ombre (il faisait très chaud au soleil) et j’avais une 30aine de plants à caser… bref, j’ai fait ce que j’ai pu en essayant d’améliorer les conditions, c’est-à-dire :
- Sélectionner les plants les plus beaux (avec de belles feuilles larges, pas ceux poussant droit comme des i avec des petites feuilles)
- Faire un trou aussi grand que le permettait mon « daba » pour aérer un minimum le sol, soit un bloc d’environ 30cm de côté.
- Pailler autour du pied pour maintenir l’humidité au maximum.
- Planter au milieu d’autres espèces végétales diverses afin de créer des petits espaces humides et faciles à arroser, de limiter la compétition entre Artemisia et apporter de l’engrais vert (arachides et pois cajan).
- Arroser matin et soir de grandes quantités d’eau au pied de chaque plant. Je suis même allée jusqu’à 10L matin et 10L soir par peur du fameux stress hydrique !
Dans les premiers temps, tous les Artemisia supportèrent très bien le repiquage sans même un petit flétrissement des feuilles. Bien que certains pieds se fussent développés plus vite que d’autres, je ne vis aucun problème à l’horizon. Je réussis donc à obtenir de nombreux plants atteignant 50cm de haut et se portant à merveille.
Mais c’eut été trop facile…
A partir de 50cm de haut, les plants commencèrent à changer de morphologie. Alors que jusqu’à présent les bourgeons ressemblaient à de petites boules de feuilles à l’aisselle de grandes feuilles, ils devinrent de petites boules à l’aisselles de toutes petites feuilles… hum, mauvais signe… De loin, la plante semblait moins buissonnante et plus pointue, un peu comme un sapin, et les feuilles terminales devinrent plus petites.
Et là, ce fut le drame… Quelques jours plus tard les branches supérieures commencèrent à fleurir… et à perdre ses feuilles !
Les fleurs apparaissent et les feuilles se réduisent, l’Artemisia passe du petit buisson touffu au petit buisson déplumé en quelques jours !
Nous qui cultivons les Artemisia pour les feuilles (qui seront plus tard séchées et réduites en poudre pour les usages médicinaux), nous ne voulons pas que la plante fleurisse trop tôt, avant même d’avoir produit suffisamment de feuilles ! L’objectif est donc de faire grandir l’Artemisia le plus possible avant la floraison. Et pour cela, il faut éviter tout stress, notamment hydrique. Car au moindre petit changement d’habitude, l’Artemisia déclenche le processus de floraison qui est ensuite inéluctable.
Malheureusement, mes plants commencèrent à fleurir les uns après les autres, et parfois même à des stades inférieurs à 50cm. J’eus même des cas étranges ou une branche seule se mis à fleurir, le reste de la plante continuant à faire des feuilles. Qu’avais donc fait pour en arriver là malgré mes soins d’arrosage quotidien ? Je pense que mon erreur fut de ne pas avoir assez bien aéré la terre, car en saison sèche, malgré un arrosage constant, la terre est très dure et l’eau ne parvient peut-être pas à toutes les racines. Peut-être également y avait-il une compétition entre plantes (patates douces, papayers) pour l’eau et les nutriments, et l’Artemisia n’en aurait pas assez eu…
Malgré tout, un plant d’Artemisia réussit à éviter la malédiction des 50cm, et atteignit une taille très respectable d’1m80 de haut sur 1m de large !
La culture en pot
Dans mon petit livret du Kit Artemisia Anamed, on peut trouver plusieurs conseils pour faciliter la culture d’Artemisia dans des climats difficiles comme le mien. Je n’ai pas encore pu tout tester, mais au moins cela donne des idées, à choisir selon le contexte environnemental.
Le plus simple pour moi était de tester la culture en pot. Je pris donc la peine de préparer une terre constituée d’un mélange de fumier, de bonne terre noire et de sable, que je mis dans une vielle poterie sans tasser. Ainsi, la terre était bien aérée. J’arrosai ensuite 1L le matin et 1L le soir pendant la période frâiche, puis 2L matin et soir pendant la période chaude, ce qui reste très raisonnable comparé à mes 20L par jour pour les plants en pleine terre !
Jusqu’à présent le plant se porte bien et fait beaucoup de feuilles. Il n’est pas encore très âgé, et je ne sais pas s’il tiendra longtemps avant de fleurir, mais pour le moment tout va bien.
Prédateurs et maladie :
De ce que j’ai pu constater, l’Artemisia est peu sujette aux attaques de prédateurs et aux maladies. Heureusement vous allez dire, sa culture est bien assez difficile comme cela ! Je peux cependant citer quelques petits problèmes, différents selon les saisons :
- Pendant la saison des pluies : les chenilles pullulent et certaines d’entre elles aiment bien croquer les feuilles d’Artemisia. Heureusement, à cette saison, j’ai dans mon jardin plein d’autres feuilles pour satisfaire leur appétit. Il faudra quand même que je songe à limiter leur expansion…
- Transition Saison des pluie et saison sèche : Alors que les pluies sont finies, au mois de novembre, il fait très chaud et il y a encore une très forte humidité dans l’air. Tout le jardin semble souffrir, les Artemisia compris, et les feuilles prennent une couleur jaunâtre. Je suspecte une attaque massive des « mouches blanches », ces tout petits moucherons blancs qui se cachent sous toutes les feuilles, une vraie calamité !
- En saison sèche : avec la fraicheur de décembre, les feuilles reverdissent et les Artemisia reprennent de la vigueur. Mais plus les mois passent, arrivés au mois de mars, je trouve quelques feuilles coupées sur les Artemisia. Je pense qu’il s’agit de petits criquets qui, désespérés de trouver mieux, se rabattent sur l’Artemisia. Ou peut-être y prennent-ils goût ? A moins qu’il ne s’agisse d’un coup des rats (ils me grignotent bien mes tongs et mes savons, alors pourquoi pas l’Artemisia !)
Voilà donc ma première expérience de culture de l’Artemisia. Malgré les difficultés, j’ai tout de même pu récolter et sécher un petit paquet de feuilles (article à venir). J’ai aussi redémarré une nouvelle pépinière, afin d’obtenir des plants près à être repiqué au début de la saison des pluies, ce qui devrait diminuer le stress hydrique.
Si vous avez d’autres conseils ou témoignages, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous !