Mon lave-linge à pédale
Publié le 28 Juillet 2019
Le voici le voilà, depuis le temps que j’en rêvais, j’ai enfin réussi à fabriquer mon vélo machine à laver ! Eh oui, 12 ans que je faisais mon linge à la main dans 2 bassines en plastique comme une sénégalaise… et sans jamais avoir pris de bonne, je le précise. 12 ans sans avoir rempli la cuve d’une machine à laver électrique… Il était donc grand temps de passer au modèle plus évolué. D’autant plus que cela faisait plus d’un an que j’avais récupéré la vieille machine à laver de Joëlle, que je remercie bien sûr au passage.
L’idée du vélo machine à laver, ou du lave-linge à pédale, n’est pas de moi hélas. D’autres écolos farfelus, soucieux d’économiser l’énergie électrique, y ont déjà pensé depuis longtemps. Il existe d’ailleurs de nombreux plans sur le net. Pas toujours très bien détaillés pour les novices, ce qui explique en partie pourquoi j’ai mis si longtemps avant de me jeter à l’eau. Toutes les « machines » sont différentes, car le principe de base c’est de s’adapter au matériel que l’on a à sa disposition, recyclé ou récupéré. Il faut donc quand même avoir un bon niveau de base en bricolage… ou alors beaucoup de patience (c’est mon cas) pour arriver à goupiller quelque chose qui tienne la route.
Je ne vous ferai pas un historique de toutes les machine à laver à pédales qui existent (des muséographes en feront peut-être des expositions un jour, qui sait ?) mais juste vous présenter 2 types possibles :
1) La cuve est entraînée directement par la chaîne du vélo, ce qui implique de fixer un pignon sur l’axe de la cuve. L’avantage est que la chaîne est bien accrochée et peut entrainer une cuve lourde facilement. L’inconvénient est qu’on ne peut pas changer de vitesse, et donc l’accélération est plus difficile à l’essorage.
Un exemple de ce type de machine sur le site de Passerelle Eco :
2) La cuve est entrainée par une courroie reliée à la roue du vélo, elle-même entraînée par la chaîne du vélo. L’avantage est qu’il n’y a pas à bricoler la cuve (il suffit de garder la poulie originale) et que l’on peut changer de vitesse avec le dérailleur du vélo. L’inconvénient est qu’il faut très bien ajuster la cuve en face du vélo pour éviter le « déraillement » de la courroie, et bien la tendre pour ne pas qu’elle glisse.
Finalement, c’est la deuxième solution que j’ai retenue, en suivant dans l’ensemble le plan du blog ci-dessous, dont l’esthétique m’a tout de suite plu.
Je vous propose donc de suivre pas à pas la construction de mon lave-linge à pédale (qui aura été en soi une vraie aventure !) et mes premiers conseils d’utilisation. Rassurez-vous, vous n’avez pas besoin d’un CAP en métallurgie ni de Brevet de bricoleur professionnel. Pas besoin non plus d’avoir un bricomarché à côté de chez soi. J’y suis arrivée toute seule en pleine brousse, alors pas d’excuse !
MATERIEL
- 1 vieille machine à laver (à ouverture sur le haut !)
- 1 vieux vélo muni d’un dérailleur
- 1 roue de petit vélo, diamètre xcm
- 1 courroie de machine à laver. Longueur à calculer préalablement en testant l’installation de votre cuve derrière le vélo. J’ai commandé la mienne sur un site internet de pièces détachées, on en trouve à peu près de toutes les tailles. La mienne fait 1,9 m.
- 2 lanières anti-dérapantes (moi j’ai utilisé des tendeurs en chambre à air recyclée) l’une pour la roue et l’autre pour la poulie.
- 1 morceau de tuyau d’évacuation et un coude (au diamètre correspondant à l’évacuation de la machine)
- 1 sac en plastique épais et un élastique pour couvrir la trappe
Pour le support en bois :
- 5 m de poutre en bois (10cm x 7cm conseillé)
- 4 gros boulons de 12mm de diamètre avec écrous et rondelles, quelques vis et clous divers
Pour le support métallique :
- 2 tôles épaisses (5 mm) de 10 x 50 cm environ
- 2 tubes métallique carrés (3,5cm de côté) de 30 cm de long
- 1,2m de cornière (3,5cm) à découper
- Petits morceaux de fers plats et tubes, boulons et écrous
Reconstitution de l’assemblage de la machine et de l’humeur du bricoleur.
Récupération et préparation de la cuve
La première chose à faire bien évidemment est de récupérer une vieille machine à laver… enfin pas trop vieille non plus, veillez à la propreté de la cuve ! Ici à Tamba, la notion de machine à laver est encore complètement inconnue… aucune maison en ville n’est d’ailleurs dotée de branchement pour machine à laver. Comme il n’existe pas de machine à laver neuve à Tamba, en récupérer une vieille n’était évidemment pas possible… le recyclage a ses limites ! La mienne est donc venue sur le toit d’un 7-places depuis Mbour (500km)… pas très écolo, mais j’avais profité du voyage d’Isabelle pour la convoyer.
Le job consiste ensuite à désosser entièrement la machine pour en extraire la cuve. Certains préfèrent garder la machine en l’état et bricoler une sortie seulement pour la courroie, mais j’ai fait le choix de tout retirer pour des questions d’esthétique (si si c’est important), d’entretien (aussi très important vu la poussière qu’il y a chez moi) et de challenge sportif.
Pour se faire, il vous faudra vous munir de toute votre trousse de bricolage, d’huile de coude et d’une tenue de Rambo. Là, tous les coups sont permis : marteaux, scies, pinces, lève-cadres, 5 jeux de clés différents, dégrippant parce que cette p.… de machine à les vis rouillées. Au début c’est plutôt facile, on enlève le capot, on retire les blocs bétons… et Bing, on se retrouve comme Jack Bauer devant une bombe nucléaire ! 50 fils de toutes les couleurs embobinés entre eux et passant par les 4 coins de la machine. Alors on commence à couper doucement en se demandant quelle est la bonne couleur et si quelque chose ne vas pas nous exploser à la figure. Mais une fois la surprise passée, on se laisse vite prendre par une frénésie de découpage et de déboulonnage… jusqu’à vouloir extraire la résistance. Ce n’est pas une bonne idée, je répète, NE PAS RETIRER la résistance : sinon vous aurez un joli trou dans votre cuve, et si vous n’avez pas de Castorama à côté pour acheter de la colle extra forte, vous l’aurez dans le baba (moi j’ai dû attendre 3 mois pour que Jean-David m’en ramène un tube !).
Une fois la cuve extraite, il vous faudra ruser pour boucher les trous d’entrée de la lessive et d’évacuation. J’ai choisi de réutiliser les raccords en caoutchouc parce que je n’avais rien d’autre sous la main, mais notez que le trou d’entrée de la lessive n’est pas indispensable (puisqu’on met cette dernière directement dans la cuve). Vous pourrez ensuite nettoyer la cuve en la faisant tourner manuellement avec de l’eau vinaigrée bien chaude.
Trou d’entrée de la lessive, avec son raccord original. Il reste ouvert, mais comme l’eau ne monte pas jusqu’à ce niveau, cela ne pose pas de problème.
Trou d’évacuation avec son raccord original, auquel j’ai rajouté un coude et un morceau de tuyau, maintenu surélevé par un élastique.
Préparation du vélo et du support en métal
Dans l’idéal, un vieux vélo d’appartement ferait l’affaire, car il a déjà son support. Mais il est tout à fait possible d’adapter un vélo normal en fabriquant un support. Comme pour la machine, trouver un vieux vélo recyclé à Tamba est mission impossible. La moindre épave de ferraille est réutilisée à l’infini et se paie aussi cher que du neuf ! J’ai donc choisi de recycler un vieux vélo à moi, qui avait l’avantage d’avoir plusieurs vitesses (1 plateau et 5 vitesses). J’avoue que pour plus de confort, j’aurai pu choisir un vélo « fille » avec la barre en bas, pour éviter d’enjamber. Une bonne selle confortable n’est d’ailleurs pas du luxe.
Pour le support, comme je ne me sentais pas jouer la forgeronne, je me suis munie des photos du plan trouvé sur internet et j’ai été voir un menuisier métallique professionnel à Tamba. Evidemment, pour une « œuvre originale » comme celle-ci, j’ai dû payer bonbon… mais bon, la qualité à un coût !
Pour le vélo, vous pourrez le nettoyer entièrement et retirer tout ce qui n’est pas utile : freins, garde-boue, roues, porte-bagage, phares… mais gardez bien le dérailleur ! La roue arrière sera remplacée par une petite roue de vélo d’enfant, qu’il vaut mieux acheter neuve pour éviter d’en avoir une voilée qui ferait dérailler la courroie.
Support fabriqué spécialement par un menuisier métallique. Notez sur les platines les trous oblongs qui permettront de régler plus tard la distance entre le vélo et la cuve, et donc de tendre la courroie.
L’intérieur de la jante est garni d’un anti-dérapant (ici un tendeur fabriqué en vieille chambre à air, le meilleur tendeur du monde !) afin de protéger la courroie des vis des rayons et éviter que la courroie ne glisse. Au fait, en installant la roue sur le vélo, n’oubliez pas d’insérer la courroie !
Fixation avant et arrière du vélo. Attention en posant l’arrière au niveau du pédalier à ne pas coincer le câble du dérailleur. Vous auriez l’air très bête ensuite en essayant de changer de vitesse…
Après un petit coup de peinture. Il ne me restait qu’un seul petit pot de peinture gris métal à finir… c’est chose faite !
Préparation du support en bois et fixation
Pour des questions de facilité de fixation, je vous recommande vivement de commander des poutres en bois de bonne qualité et de même section. J’ai commandé les miennes chez mon menuisier. Elles sont en bois local (Cordyla pinnata) très dur, résistant aux termites et à l’humidité. Sans savoir exactement de combien de mètres j’aurais besoin, j’ai commandé 3 poutrelles de 2m (section 10cm x 7cm), j’ai ensuite évalué la taille des différents morceaux dont j’aurais besoin et demandé à mon menuisier de les scier. En fonction de la taille de votre vélo et de votre cuve, les dimensions sont bien sûr à adapter. Finalement 5m aurait été suffisant. J’ai utilisé :
- 2 poutres de 150 cm
- 1 morceau de 70 cm
- 2 morceaux de 20 cm
- 2 morceaux de 5 cm
1) Trouvez un moyen de caler la cuve avec les morceaux de bois qui sont à votre disposition. Cela impliquera de scier quelques morceaux de plastique qui dépassent de la cuve et la font pencher. Trouvez des points d’attache : il y a généralement des trous qui vous permettrons de visser la cuve aux poutres si vous vous y prenez bien (c’est un peu un casse-tête je l’avoue.) Attention, même si c’est tentant, ne pas couper les pas de vis des blocs béton, je répète NE PAS COUPER les pas de vis !!! On ne sait jamais, vous pourriez en avoir besoin plus tard…
2) Installez le vélo sur les 2 grandes poutres en bois et agencez les autres poutres pour caler la cuve. Mettez la courroie autour de la roue et de la poulie, sans oublier de rajouter l’élastique anti-dérapant autour de la poulie. Le but du jeu étant que la poulie de la cuve soit exactement en face de la roue arrière et qu’elles soient toutes deux bien à la verticale. Notez que la hauteur de la poulie par rapport à la roue importe peu. IMPORTANT : faites ce travail directement à l’emplacement final de votre machine, car si votre sol n’est pas droit, votre réglage sera à refaire !
Une petite erreur que j’ai commise est de ne pas avoir fixé les morceaux de bois sous la cuve aux grandes poutres sur lesquelles repose le vélo. En effet, il y avait un petit décalage de quelques cm pour que la cuve et le vélo soient bien alignés, et je n’ai pas su trouver de système d’attache. Un bricoleur chevronné aurait surement trouvé la solution. Bref, la conséquence est que la machine saute lorsque je pédale trop vite…
3) Une fois l’ensemble bien installé et réglé, marquez l’emplacement des trous pour fixer le support métallique avec les boulons. Percez.
Faites une marque dans chaque trou oblong, du côté de l’avant du vélo (pour permettre le réglage ensuite)
Prévoir de faire un trou exactement du même diamètre que le boulon choisi. Ma perceuse Metabo m’a sauvé la vie, merci Pierre !
Du côté inférieur (celui qui repose au sol), faire un trou carré au ciseau à bois pour que la tête des boulons ne dépasse pas.
Regardez-moi cette œuvre d’art ! Et croyez-moi, vu l’état de mon ciseau à bois, c’était un exploit !
4) Marquez les autres poutres et clouez-les ou vissez-les comme vous pouvez
Comme je n’avais pas de vis de plus de 10cm, ni même de mèche aussi longue sur ma perceuse, j’ai dû ruser : un double trou de part et d’autre de la poutre et de 2 diamètres différents… un vrai coup de bol d’avoir réussi !
Tension de la courroie
Une fois l’ensemble bien fixé, il vous faudra tendre la courroie. Pour cela, dévissez les boulons du support métallique, et tirez le vélo vers l’avant, jusqu’à sentir que l’ensemble est bien tendu. Une courroie qui n’est pas assez tendue glissera sur la poulie et ne pourra pas entraîner une cuve lourde. Mais attention à ne pas trop tirer, car si la courroie est trop tendue, elle risque de frotter à la jante et de trop forcer sur la machine. Une fois le bon réglage trouvé, revissez les boulons.
Faites quelques tours de pédales pour voir si tout va bien. Si vous déraillez, jouer sur l’essieu de la roue arrière en dévissant et recalant la roue jusqu’à ce que la courroie puisse tourner bien droit.
Utilisation
Voilà le moment fatidique… quand après tous ces efforts je teste enfin la machine ! Alors, comment marche-t-elle, est-elle à la hauteur de mes espérances ???
Dans la théorie, ce n’est pas compliqué : on remplit la cuve avec de l’eau (un peu chaude), on met son linge sale, sa lessive, on ferme et on pédale !
- Lavage : on pédale doucement sur le grand pignon (autrement dit on mouline gentiment) pendant 20 à 30 min. On doit entende le linge tomber dans la cuve et faire « chtouc chtouc », si on va trop vite le linge reste collé à la cuve et ne se nettoie pas. L’utilisation de balle de lavage aide bien à entendre le bruit.
- Rinçage : on vide la cuve en abaissant le tuyau d’évacuation, puis on la remplit à nouveau d’eau propre et on repédale (toujours en moulinant) pendant 10 min.
- Idem pour un 2e rinçage.
- Essorage : on vide la cuve et on laisse le tuyau d’évacuation au sol, puis on pédale à fond avec le petit pignon. Quelques minutes suffisent, vous pouvez aussi finir d’essorer à la main.
Notez que l’eau d’évacuation va directement dans mon trou à bambous, qui doit jouer le rôle de phytoépuration.
Remplissez la cuve avec de l’eau tiède (moi elle est juste chauffée au soleil à 40°C). N’en mettez pas trop, sinon la cuve sera très lourde à tourner.
Ajoutez votre lessive préférée (la mienne est pour le moment un « savon de Marseille » en paillette fait par moi-même)
J’avoue que mes premiers lavages n’ont pas été une franche réussite et que j’ai dû un peu me faire la main (bien que le jeu de mot ne soit plus approprié). Il m’aura fallu une petite dizaine d’essais pour comprendre toutes les subtilités de l’engin. A savoir :
Comptez que les 3 premières machines serviront plus à laver la machine que votre linge (eh oui, quand on laisse la cuve 1 an sans s’en servir, toutes sorte d’insectes viennent y faire leur nid !)
Ne mouillez pas la courroie au risque de la faire patiner et de dérailler, donc remplissez doucement la cuve du côté opposé à la courroie.
Ne mettez pas trop de savon… la mousse peut déborder par les tuyaux !
Pensez à couvrir la trappe avec un sac en plastique… sinon ça mouille !
Pour l’essorage, n’y allez pas trop fort sinon la machine saute ! J’ai dû rajouter les blocs bétons pour la maintenir au sol. Et comme j’avais bêtement scié les attaches des blocs, j’ai dû les attacher au sol.
Mise à part ces quelques mésaventures, je suis très contente de ma machine, qui me permet de laver sans me mouiller les mains (fini l’eczéma !) et sans me bloquer le dos. Mes draps sont ressortis plus propres que jamais ! Ce n’est pas franchement plus court que le lavage à la main mais nettement moins fatigant et tellement plus réjouissant. Et pendant que l’on pédale, on a les mains et la tête libre : prévoyez un peu de musique ou un bon livre !
Je ne manquerai pas de vous donner plus de conseils d’utilisation lorsque je serai plus aguerrie… affaire à suivre !
Installation des blocs béton pour mieux fixer la machine au sol. Mon support en bois aurait dû permettre de bien fixer le tout, mais les poutres ne tombaient pas bien en face et je n’avais pas les outils pour y remédier.